fantôme
Nous étions un deux septembre. Les vacances étaient derrière moi, mais si je m’avisais de le vérifier en me retournant, je ne voyais rien. Elles s’étaient volatilisées, suivant en cela une tendance naturelle mais néanmoins perturbante. D’autant qu’il y avait eu beaucoup de disparitions ces derniers mois. Certaines me remuaient de loin. D’autres m’affectaient au cœur. Chaque secousse emportait une part de ma substance. Je perdais l’appétit. Ma silhouette s’effritait. La vie déraisonnait. J’avais la faiblesse de la suivre.
L’heure du lever s’était muée en une épreuve redoutable, quoique un peu moins affligeante depuis que j’avais repris le travail. Au moins, je disposais d’un motif pour m’extraire du lit. Le dernier, si l’on exclut les contraintes du métabolisme. La doctoresse m’avait prescrit des cachets stupéfiants pour m’aider à avaler la pilule. Flanqué de ces béquilles chimiques, je parcourais le cadran du matin jusqu’au soir en passant par midi, sans trébucher.
Ces dernières semaines, j’avais renoué avec la fréquentation des cabarets. Une habitude perdue depuis des années et retrouvée, intacte, du jour au lendemain. En fin de journée, j’allais me poser à la terrasse d’une brasserie. J’y prenais le soleil et quelques verres en grignotant des cacahuètes. Mon diner. Entre deux lampées d’alcool, je me livrais à la chasse aux guêpes ou à la pêche aux conversations. Souvent, les gens parlaient mal et riaient fort. Quant à ceux qui s’exprimaient peut-être bien, ils étaient inaudibles.
En tout cas, je voyais des visages. C’est important. Je les essayais tour à tour, jusqu’à ce qu’il s’en trouve un assez ouvert pour me laisser entrer. Je le visitais un moment, puis repartais. Je dérivais ainsi, d’une figure à la suivante, en quête de celle qui s’avérerait plus forte que ma hantise. En général, les face à face étaient brefs et désavantageux pour mes voisins de table. Je couvais un fantôme plus insistant que le réel.
(...)
L’heure du lever s’était muée en une épreuve redoutable, quoique un peu moins affligeante depuis que j’avais repris le travail. Au moins, je disposais d’un motif pour m’extraire du lit. Le dernier, si l’on exclut les contraintes du métabolisme. La doctoresse m’avait prescrit des cachets stupéfiants pour m’aider à avaler la pilule. Flanqué de ces béquilles chimiques, je parcourais le cadran du matin jusqu’au soir en passant par midi, sans trébucher.
Ces dernières semaines, j’avais renoué avec la fréquentation des cabarets. Une habitude perdue depuis des années et retrouvée, intacte, du jour au lendemain. En fin de journée, j’allais me poser à la terrasse d’une brasserie. J’y prenais le soleil et quelques verres en grignotant des cacahuètes. Mon diner. Entre deux lampées d’alcool, je me livrais à la chasse aux guêpes ou à la pêche aux conversations. Souvent, les gens parlaient mal et riaient fort. Quant à ceux qui s’exprimaient peut-être bien, ils étaient inaudibles.
En tout cas, je voyais des visages. C’est important. Je les essayais tour à tour, jusqu’à ce qu’il s’en trouve un assez ouvert pour me laisser entrer. Je le visitais un moment, puis repartais. Je dérivais ainsi, d’une figure à la suivante, en quête de celle qui s’avérerait plus forte que ma hantise. En général, les face à face étaient brefs et désavantageux pour mes voisins de table. Je couvais un fantôme plus insistant que le réel.
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