ça me donne envie de pleurer

par ..., dimanche 13 septembre 2015, 15:04 (il y a 3361 jours)

Ça me donne envie de pleurer à moi la littérature quand je vois que jamais personne ne me reconnaîtra comme un écrivain et que je vais mourir seul et jeune dans mon petit appartement entouré de tous les livres que je n’ai pas écrit mais que j’ai pourtant l’impression d’avoir écrit les livres les feuilles et l’ordinateur dans lequel j’enregistre des fichiers sans nom que j’efface sans les relire j’efface tout ça me donne envie de pleurer à moi ça me donne des petits coups sur le cœur quand je vois toutes cette écriture qui sort de moi si difficilement moi qui m’échine alors que personne ne me reconnaître jamais comme un écrivain et que je vais mourir seul et jeune dans mon petit appartement le corps nu retrouvé sur le lit je n’écrirai pas de lettre parce que ce ne sera pas un suicide les mots qui pourrissent de l’intérieur ça pue surement ce genre de décollement proche de la rétine qui pleure parce que ça me donne envie de pleurer à moi quand un petit bout de mon écriture s’en va pour rien et que je reste seul devant l’ordinateur à me demander à quel endroit ma langue bouge ça m’atteint moi la littérature et je me mets à pleurer de petites larmes très fines des larmes en taille de police 11 vide de moi de mes yeux près de la rétine qui pleure et qui me donne des petits coups sur le cœur

ça me donne envie de pleurer

par Jambon, dimanche 13 septembre 2015, 15:49 (il y a 3361 jours) @ ...

Ce qui compte c'est ta petite famille que tu vas créer, ta future petite ou grande maison, aimer tes futurs enfants, un boulot peinard. Devenir écrivain, à moins d'être fou c'est secondaire (un loisir, voire une sorte de projet sous le manteau si on y a du talent, comme l'escalade ou le,surf pour d'autres), ça doit rester cela me semble-t-il pour garder la,tête sur les épaules

ça me donne envie de pleurer

par zeio @, dimanche 13 septembre 2015, 16:21 (il y a 3361 jours) @ Jambon

Kafka lui n'a jamais dépassé l'étape des fiançailles, bien qu'il portait en lui l'envie de se marier et qu'il a tenté le coup à plusieurs reprises. Son angoisse a gagné la lutte, a chaque fois. Il craignait plus que tout que la vie de couple ne sacrifie son écriture.

ça me donne envie de pleurer

par Jambon, dimanche 13 septembre 2015, 20:13 (il y a 3361 jours) @ zeio

J'avais lu son Journal il y a quelques années et, sans que ce texte soit extraordinaire (Kafka ne m'a jamais vraiment plu il faut dire), j'avais été marqué par sa grande "immaturité"(en tant qu'homme j'entends). Il faisait l'effet d'un enfant qui n'a pas grandi ou n'a pas eu besoin.

ça me donne envie de pleurer

par zeio, dimanche 13 septembre 2015, 23:15 (il y a 3361 jours) @ Jambon

En effet il y a certainement quelque chose qui n'a pas grandi en lui. Il fût bloqué dans son évolution, je pense, principalement à cause de son père qui était autoritaire voire castrateur. Sa mère elle était "rabatteuse", elle poussait kafka (la proie) vers son père (le chasseur), le tout bien sûr inconsciemment au sein de ce système patriarcal.
Kafka l'a très bien compris, il a mis au jour tous ces mécanismes, lire "lettre au père" à ce sujet.
Pourtant une autre part de lui, je pense, était infiniment mature et lucide. La littérature je suppose était sa voie de salut et son instrument de compensation. Disons qu'il n'a pas tellement grandi dans le réel. Il a poussé à l'intérieur, au revers de sa peau il a construit une structure protéiforme qui était son réel (cf le terrier) depuis lequel il détricotait sa névrose, son monde c'est à dire au fond, lui-même (avec tout ce que ce "lui-même" peut comporter d'universel).
Je trouve que c'est tout à fait juste quand tu dis "ou n'a pas eu besoin" (de grandir), c'est vraiment ça. Il a pris conscience assez tôt qu'il était vain de "grandir" au sens où on l'entend ordinairement car il était frêle et sensible, et n'atteindrait jamais la puissance de son père. Sa maturité et sa puissance étaient quasi indécelables, incarnées et surtout, fondamentalement littéraire.

ça me donne envie de pleurer

par Jambon, mercredi 16 septembre 2015, 12:37 (il y a 3358 jours) @ zeio

Une belle érudition.

ça me donne envie de pleurer

par zeio @, mercredi 16 septembre 2015, 13:30 (il y a 3358 jours) @ Jambon

Merci. Mais honnêtement je ne sais pas si j'ai une très large érudition... disons qu'il y a certains auteurs que je connais très bien, mais ils sont une dizaine tout au plus.

ça me garde mon envie de rire :))

par LECTRICE :)), mercredi 16 septembre 2015, 19:42 (il y a 3358 jours) @ zeio

Salut Zéio :))

Me souviens d'une émission littéraire -me souviens pas de son titre. C'est très vieux :)) qui passait à la téloche ou le plus cultivé des invités était celui qui avait lu le + de livres dans la semaine :))
Bien évidemment c'était "planqué" sous la pub des bouquins qu'ils venaient promouvoir.
Etant déjà lectrice normale (enfin je persiste à le croire :)) ces chiffres m'avaient d'office interpellée, interloquée parce qu'en cette période, j'avais un rêve :)) Je rêvais de lire tous les livres du monde :))
Donc cette émission m'avait poussée à la question
- Mais comment font-ils pour lire 5...6...7 livres ( 7: c'était le plus gros score :)) en une semaine ?
Je dois à cette émission la perte rapide de ma naïveté littéraire tout en ayant pas abandonné mon rêve :))

En définitive Zéio, je pense qu' il est préférable d'avoir "peu" d'auteurs littéraire mais des costauds :))
Des indétrônables. Puis les remettre au goût du jour avec correction, correspondance et réactualisation :))
Toutefois moi, c'est ce que je fais sans même m'être posé la question :))

ça me garde mon envie de rire :))

par zeio @, mercredi 16 septembre 2015, 20:51 (il y a 3358 jours) @ LECTRICE :))

J'aime bien tes remarques. Pour ma part il me faut des années pour appréhender l'univers intérieur d'un seul auteur, pour "l'ingurgiter" en quelque sorte. Enfin, les auteurs les plus "vastes" évidemment. De plus, je n'ai pas une très bonne mémoire consciente, j'imprime difficilement. Si j'enchaînais 6 ou 7 livres par semaine ils passeraient sur moi comme un courant d'air à la surface d'une marre. Sans compter que je lis lentement. Ajoutons encore à cela le fait que je suis sujet à d'importants troubles de la concentration et que souvent, il suffit d'une simple phrase (ça peut être une phrase tout à fait prosaïque) pour que s'enclenche un processus de pensées absolument impératif qui éloigne momentanément de la page. Quand il y a trop matière à penser et à rêver pour que la lecture puisse continuer son cours. Disons que ma vitesse d'absorption est relativement lente comparée aux grands lecteurs.

ça me garde mon envie de rire :))

par Rémy @, dimanche 20 septembre 2015, 23:32 (il y a 3354 jours) @ zeio

Et kestufé quand une phrase t'a éloigné de la lecture ? Tu écris, paskelle t'inspire ? Moi en général je me mets au piano à ces moments-là, il faut dire que je ne lis qu'en me faisant bronzer sur mon balcon et que le piano est dans la même pièce que le balcon, enfin que la porte qui mène au balcon, et donc que le livre, que je laisse à côté ; l'embêtant là-dedans c'est que je ne peux pas bronzer au piano... Et je ne lis que du San Antonio : San Antonio, piano, San Antonio, piano.

ça me donne envie de pleurer

par Claire, dimanche 13 septembre 2015, 18:23 (il y a 3361 jours) @ Jambon

dans ton texte ce que j'aime bien c'est : "pour garder la,tête sur les épaules."

ça me donne envie de pleurer

par Jambon, dimanche 13 septembre 2015, 22:23 (il y a 3361 jours) @ Claire

Oui là j'étais au top xd.

norme(s) et individuation

par Ecrire, lundi 14 septembre 2015, 12:26 (il y a 3360 jours) @ Jambon

"Ce qui compte c'est ta petite famille que tu vas créer, ta future petite ou grande maison, aimer tes futurs enfants, un boulot peinard."

A l'exception du "boulot peinard" (pas si facile à trouver), ce schéma correspond à la norme. Mais suffit-il d'intégrer la norme pour exister ?

"Devenir écrivain, à moins d'être fou c'est secondaire (un loisir, voire une sorte de projet sous le manteau si on y a du talent, comme l'escalade ou le,surf pour d'autres), ça doit rester cela me semble-t-il pour garder la tête sur les épaules"

Être "fou", c'est errer hors de la norme : norme qui est arbitraire, mouvante et peut donc varier selon les cultures et les époques au sein d'une même culture.

La plupart des écrivains ne sont pas hors de la norme, ils sont à la fois dedans et au-delà.

On pourrait dire la même chose des surfers et des gens qui font de l'escalade, du moins de ceux pour qui, précisément, il ne s'agit pas pas seulement d'une activité "secondaire" mais au contraire, d'une activité centrale et essentielle dans la dynamique de leur individuation.

norme(s) et individuation

par Jambon, lundi 14 septembre 2015, 14:45 (il y a 3360 jours) @ Ecrire

L'intelligence qui nous fait réussir une vie professionnelle n'a rien à voir avec celle qui nous fait écrire un grand texte. C'est pour cette raison il me semble que des mauvais auteurs publient à foison et reçoivent bien des honneurs. Quand bien même une personne est un très grand écrivain il y a fatalement peu de chances qu'elle réussisse une carrière littéraire. On peut appeler ça le "théorème François Hollande" : à une grande réussite professionnelle dans son métier ne correspond pas une grande compétence. Par goût du paradoxe on peut dire qu'on n'a pas besoin de "grands écrivains" pour obtenir des "grands écrivains" puisque l'économie les produira de toute façon.
Sur cette base, entre la cigale et la fourmi, La Fontaine donnait raison à la fourmi, mais c'est vrai que lui qui a été cigale et fourmi à la fois aurait très bien pu donner raison à la cigale (licence poétique). Cependant son choix est tout de même plus sage, plus raisonnable. Et puis rien n'empêche la fourmi de chantonner le soir près du feu xd.
A moins de vivre de sa plume (ce qui en poésie est statistiquement quasi-inexistant), en comptant qu'il n'y a aucune garantie que les très rares qui y parviennent soient effectivement compétents (et tout me laisse penser qu'ils ne le sont pas personnellement), l'option "fourmi" est vraiment plus raisonnable (euphémisme).
La norme a du bon sinon, à défaut de voir son génie récompensé on a la paix.

norme(s) et individuation

par Ecrire, lundi 14 septembre 2015, 16:34 (il y a 3360 jours) @ Jambon

"La norme a du bon sinon, à défaut de voir son génie récompensé on a la paix."


Bien sur que la norme a du bon ! Mais le conformisme se paie d'un enfermement dans des possibilités définies par le Pouvoir. Il implique la soumission à des voies pré-tracées.

norme(s) et individuation

par Jambon, mercredi 16 septembre 2015, 12:34 (il y a 3358 jours) @ Ecrire

Oui sûrement, cependant rien ne t'empêche ensuite de faire la révolution dans ton fichier word.

norme(s) et individuation

par Ecrire, mercredi 16 septembre 2015, 17:15 (il y a 3358 jours) @ Jambon

"(...)la révolution dans ton fichier Word"



Ce que réalise un véritable écrivain, (avec un fichier Word ou autre), c'est l'invention d'une langue hors pouvoir.

Il s'agit d'une libération des signes.

Ces mêmes signes qui, par ailleurs, sont utilisés par le pouvoir pour maintenir les gens sous tutelle.

norme(s) et individuation

par Rémy @, dimanche 20 septembre 2015, 23:15 (il y a 3354 jours) @ Ecrire

Il faut se méfier ! On commence par être seulement énorme (ex-norme, hors de la norme), et puis on finit anormal (privé de normes) ! Il faut à tout prix éviter (ex-vitare, hors-vivre) ça. On peut éventuellement se permettre d'être extravagant (c'est-à-dire de se promener, vagare, dehors, extra) mais pas farfelu (far of the lu, c'est-à-dire loin du Livre à lire qui dit comment vivre).

Attention aux mots qui voudraient fonder des familles ! Des familles de gros mots !

ça me donne envie de pleurer

par julienb, dimanche 13 septembre 2015, 16:28 (il y a 3361 jours) @ ...

Super texte.

ça me donne envie de pleurer

par catr, dimanche 13 septembre 2015, 16:43 (il y a 3361 jours) @ julienb

oui, super texte

ça me donne envie de pleurer

par zeio, dimanche 13 septembre 2015, 23:25 (il y a 3361 jours) @ catr

J'ai beaucoup aimé aussi
Plein de générosité dans cette écriture, et d'auto-dérision ce qui n'est pas pour me déplaire

ça me donne envie de pleurer

par Écrire, dimanche 13 septembre 2015, 18:05 (il y a 3361 jours) @ ...

J'ai bien aimé l'idée des larmes "en taille de police 11".

Un chagrin pas trop gros, qui peut être épongé à l'aide d'un Kleenex en taille de police 12.

ça me donne envie de pleurer

par Claire, dimanche 13 septembre 2015, 18:31 (il y a 3361 jours) @ ...

c'est la malédiction de s'être mis à écrire, il n'y a pas de repos pour cette envie (de pleurer) là.
j'aime la façon dont tu le relies au corps.

ça me donne envie de pleurer

par Rémy @, dimanche 20 septembre 2015, 23:20 (il y a 3354 jours) @ ...

Faudrait le mettre en musique. J'veux bien chanter, yatikékung qui saurait jouer de la guitare ?