Des étoiles plein les yeux

par Ecrire, vendredi 25 septembre 2015, 21:39 (il y a 3349 jours)

On nous le promettait. Nous y sommes. Le dénouement a plusieurs paroles et les tiendra toutes. Même la Suisse n’est plus un abri sûr… Dans 24 heures, les consciences s'éteindront. Situation inédite. D'ordinaire, je, tu, il, elle décède, mais l'histoire continue. Je, tu, il, elle, laisse des milliards de bipèdes derrière soi. Des êtres dont l'immense majorité ignorent cette je, tu, il ou elle disparition d'autant plus facilement qu'ils ne savaient rien de cette je, tu, il ou elle existence. Cette fois, c'est différent. On s'en va seul… avec l'humanité, les bactéries et tout le toutim, à l’exception cosmique du bric-à-brac stellaire. La solidarité émerge d'un long coma et se rétribue en monnaie létale. On se sent plus isolé que jamais, noyé dans l'anonyme magma de l'obscurité nocturne. Finit les je, tu, il ou elle, singuliers. Ne surnage qu'un « on » sidéré, frappé d'une détresse incommensurable. Chacun se rétracte, inséparablement délié de tous, en éprouvant la déflagration surmultipliée des solitudes. Monstre froid né de l'aventure qui s'arrête là. Limite des limites. Je pense à ma mère. À mes grands-parents. A mon brave chien Sam, à tous les êtres que j'ai aimés. Ceux qui s’aboliront au même instant que moi. Ceux qui m'ont précédé dans l'exercice. Heureux disparus avant que le futur n'implose. Je pense à Elisabeth. Je songe à Pascale. Je me souviens d’Harry. De ma sœur Delphine, morte d'adolescence. Et il y a tous ses visages sur lesquels je ne sais plus mettre un nom. Et tous ces noms sans visages et la foule des sans noms ni visages. Je songe à ceux dont je n'avais fait qu'envisager le terme. J'ai toute ma tête, mes membres sont au complet, je jouis de la plénitude de mes facultés. Je n'ai jamais été aussi ardent, tendu vers la vie, dédié à l'amour du grand tout et des petits riens. La vie se meurt. J'ai des étoiles plein les yeux.

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