nuit
par Claire, mardi 29 septembre 2015, 12:11 (il y a 3345 jours)
tout petit enfant on a vu la nuit
loin des figures tutélaires
occupées de leur propre vie,
à-demi allongé dans une poussette.
on a saisi le sens de l’adieu :
quand tout est dit.
quand le mouvement va reprendre.
on a saisi l’incohérence
bien-aimée du monde
le trou de la haie la maladie qui commence
le verre reposé sur la table
un bâtiment inconnu où il faut entrer.
le dur pays de l’adolescence.
tout ça on le voit
dans le collier de perles que font les lumières
lointaines, insaisissables.
nuit
par dh, mardi 29 septembre 2015, 12:19 (il y a 3345 jours) @ Claire
nuit
par Claire, mardi 29 septembre 2015, 12:26 (il y a 3345 jours) @ dh
Pour moi c'est le truc le plus fort que j'ai écrit depuis longtemps.
Ça me serre le cœur de le relire.
pas de chagrin, de beauté.
si, d'ailleurs, une sorte de chagrin.
nuit
par dh, mercredi 30 septembre 2015, 09:58 (il y a 3344 jours) @ Claire
quand on croit qu'on vient d'écrire un truc génial, en fait c'est souvent mauvais.
nuit
par Claire, mercredi 30 septembre 2015, 10:26 (il y a 3344 jours) @ dh
sans dramatiser du tout, le mot "convenu" m'a un peu sidérée, je ne m'y attendais pas. Il faut que je laisse passer un peu de temps.
nuit
par kelig, vendredi 02 octobre 2015, 00:42 (il y a 3343 jours) @ Claire
pour moi c'est ça la poésie.
(élagué)
par Claire, mardi 29 septembre 2015, 12:40 (il y a 3345 jours) @ Claire
tout petit enfant on a vu la nuit
- loin, les figures tutélaires
à-demi allongé dans une poussette
on a saisi l’adieu :
quand tout est dit.
quand le mouvement va reprendre.
saisi l’incohérence
bien-aimée du monde
le trou de la haie la maladie
les bâtiments inconnus
le lieu des adolescences.
(élagué)
par julienb, mardi 29 septembre 2015, 13:29 (il y a 3345 jours) @ Claire
Sans être aussi radical que dh, je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu convenu dans ce poème.
(élagué)
par Claire, mardi 29 septembre 2015, 13:47 (il y a 3345 jours) @ julienb
(élagué)
par kelig, mardi 29 septembre 2015, 14:33 (il y a 3345 jours) @ Claire
J'y ai senti l'émotion à la lecture, Claire (on peut toujours retoucher mais je crois qu'on peut faire confiance à l'impulsion, à l'émotion qui mène à écrire quand ça coule.)
(élagué)
par julienb, mardi 29 septembre 2015, 18:32 (il y a 3345 jours) @ Claire
"il n'y a rien de convenu dans ce que j'essayais de dire"
J'osais pas le dire , mais j'y vais : je trouve tes réponses bizarres, Claire ; hors sujet, voire d'une certaine manière prétentieuses (mais c'est peut-être juste mon interprétation). Visiblement, c'est un poème qui te tient à coeur.
(élagué)
par Claire, mardi 29 septembre 2015, 18:40 (il y a 3345 jours) @ julienb
des fois tu ressens quelque chose qui te semble nouveau, un truc sur lequel tu n'avais jamais mis le doigt, une émotion très particulière. tu essaies de l'écrire et comme tu en es encore envahi, relire le poème te touche tout autant. c'est bien utile des lecteurs qui te disent : "ah ouais, bof.." parce que tu vois que la forme du poème n'est pas la bonne.
mais l'émotion, sa singularité, son sens, tu sais que c'est important.
Peut-être je vais écrire un bouquin entier sur ce truc.
le mot clef c'est "incohérence" (de la vie) pourquoi ça m'a semblé lié à des sensations visuelles d'un enfant qui n'a pas encore de langage, et donc à l'abstraction, pourquoi c'est lié aussi à la douce tristesse de la nuit ?
(élagué)
par ynos, mardi 29 septembre 2015, 15:42 (il y a 3345 jours) @ Claire
(élagué)
par Rémy , lundi 05 octobre 2015, 01:36 (il y a 3340 jours) @ Claire
(Ceci indépendamment de la question des syllabes de fin de vers.)
nuit
par Claire, mardi 29 septembre 2015, 18:32 (il y a 3345 jours) @ Claire
merci à vous tous de vos avis, différents....mais justement.
à kelig
par Claire, mardi 29 septembre 2015, 19:05 (il y a 3345 jours) @ Claire
toi tu as bien perçu, en tout cas, merci.
à la relecture
par kelig, mercredi 30 septembre 2015, 18:35 (il y a 3344 jours) @ Claire
Je le trouve fort, beau.
à la relecture
par Claire, mercredi 30 septembre 2015, 21:36 (il y a 3344 jours) @ kelig
l'idée qu'il faut continuer à creuser, prolonger, par contre...
(merci kelig)
à la relecture
par kelig, vendredi 02 octobre 2015, 00:24 (il y a 3343 jours) @ Claire
moi il me plait ainsi.
nuit
par catr, mercredi 30 septembre 2015, 19:54 (il y a 3344 jours) @ Claire
je préfère la première version
peut-être la seconde strophe devrait-elle ralier la première ?
je trouve que le premier vers de la seconde strophe appartient à la première strophe
mais c'est toi qui vois..
une chose que je trouve dommage ou facile cependant c'est les quand x 3
et x 2 dans la seconde mouture
(une oie passait-elle par là?) ;)
nuit
par Claire, mercredi 30 septembre 2015, 21:35 (il y a 3344 jours) @ catr
je n'ai pas dit qu'il était parfait, je l'ai posté trop vite certainement, il faut le polir, et très probablement le prolonger.
Peut-être aussi le verre vide est en trop après le trou de la haie, une direction trop univoque : le manque ? Mais le trou dans la haie est pour moi le contraire du manque, et cette incohérence aussi.
J'essaie de comprendre ce qui a pu donner à Denis l'idée d'un truc convenu, c'est à dire l'impression que je reprendrais sans m'en rendre compte quelque chose de rebattu, remâché, livresque. Parce que j'estime sincèrement son avis et que c'est ce dont j'essaie de débarrasser mon écriture.
nuit
par catr, mercredi 30 septembre 2015, 22:07 (il y a 3344 jours) @ Claire
ce que j'en comprends et je me trompe peut-être c'est que l'écriture est dans un discours plus que dans l'évocation, cad que cette forme est extérieure et reste extérieure donc le lecteur n'y entre pas, n'habite pas, forme observatrice donc, tandis que l'évocation fait en sorte que le lecteur habite et constitue même le poème ou peut apporter une part de lui et "l'aménager". aussi le discours oblige un regard ou un angle, ce qui explique pèse. on sent que quelque chose se trame dessous, quelque chose de très fort qu'une forme d'analyse/jugement vient altérer. ceci dit je sens que tu t'approches d'une chose importante, une forme de puissance même ( ça s'en vient ! ), mais peut-être l'outil rationnel est-il trop en avant encore (je réfléchis..)..
comment dire ça autrement... tu écris "au-dessus de" et non pas dedans
nuit
par catr, mercredi 30 septembre 2015, 22:23 (il y a 3344 jours) @ Claire
ceci je crois vient de l'aspect analyse/jugement dans la forme du discours, et aussi des référents + toutes les sociétés critiquent les "figures tutélaires" et les pointent du doigts.. ensuite dans le poème on est pas sûr si ces figures sont coupables ou pas, mais pourquoi et de quoi au fait, puis, le sentiment d'abandon, c'est le lieu commun par excellence. donc tu multiplies les difficultés.
pourtant ce dont tu veux parler c'est du moment de conscience et de presque précognition chez l'enfant, en fait, du moment exact où une sorte d'entendement de la "solitude" se fait vraiment, d'où naît une "visualisation" future, sculptante, qui déterminera l'enfant vers... ben.. moi je lis ces choses là je veux dire ton texte déborde comme un verre plein ;)
effectivement, ça gagnerait certainement à être continué, élaboré, tout en veillant à éviter le... didactique..
nuit
par Claire, mercredi 30 septembre 2015, 22:29 (il y a 3344 jours) @ catr
nuit
par dh, jeudi 01 octobre 2015, 09:46 (il y a 3343 jours) @ Claire
la poésie est plus proche de la folie que de la psychologie, selon moi.
nuit
par julienb, jeudi 01 octobre 2015, 10:23 (il y a 3343 jours) @ dh
nuit
par Claire, jeudi 01 octobre 2015, 11:01 (il y a 3343 jours) @ julienb
Je vais le revoir.
nuit
par kelig, vendredi 02 octobre 2015, 00:34 (il y a 3343 jours) @ Claire
nuit
par Claire, vendredi 02 octobre 2015, 19:36 (il y a 3342 jours) @ kelig
Je les ai utilisés de façon (intérieurement) décalée, bizarre - et donc pour moi poétique - mais le poème est trop court pour que ce décalage se sente suffisamment.
J'aime bien utiliser des mots qui ne font pas partie du vocabulaire poétique classique, des mots d'anatomie par exemple, et là en général ça passe bien parce que la bizarrerie est évidente.
en fait j'ai envie de développer toutes les images et je pense que ce sera mieux. on va remplacer le verre par une bassine :)
nuit
par kelig, samedi 03 octobre 2015, 09:34 (il y a 3342 jours) @ Claire
le terme incohérence je ne le trouve pas gênant, il va avec ce que dit le poème.
en fait ce poème me parle beaucoup, tu l'auras compris. et je me dis aussi qu'il bien possible qu'il puisse être dérangeant.
mais si tu en fais un poème encore meilleur, je dirai évidemment bravo.
nuit
par julienb, samedi 03 octobre 2015, 09:43 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par kelig, samedi 03 octobre 2015, 09:51 (il y a 3341 jours) @ julienb
nuit
par julienb, samedi 03 octobre 2015, 10:09 (il y a 3341 jours) @ kelig
Désolé Claire, j'aime en général beaucoup ton travail, mais pas là (j'insiste simplement pcq toi-même tu insistes pour comprendre pourquoi tout le monde ne trouve pas ce poème génial).
nuit
par julienb, samedi 03 octobre 2015, 10:16 (il y a 3341 jours) @ julienb
nuit
par kelig, samedi 03 octobre 2015, 10:18 (il y a 3341 jours) @ julienb
Comme quoi.
nuit
par Claire, samedi 03 octobre 2015, 10:49 (il y a 3341 jours) @ julienb
"bien aimé " est peut-être nunuche et mal choisi. Je l'ai utilisé parce que je voulais surtout ne pas tirer le poème du côté d'une déploration : " "ah l'incohérence du monde ! " mais au contraire vers l'idée que c'est cette incohérence, ce côté grumeleux, incompréhensible, discontinu, haché, caillouteux qui provoque le désir, l'amour. Et que c'est à l'adolescence que c'est le plus puissant.
Le nourrisson qui regarde la nuit, solitaire et immobilisé dans sa poussette, sans mot, sans attraction vers les adultes, sans leur présence puissante ( et "figures tutélaires" me plaisaient effectivement avec la poussette) je voulais dire qu'il ressentait cela.
Je ne comprends pas ce qu'il peut y avoir de politiquement correct par contre. Pour moi c'est une notion qui renvoie toujours à une position moraliste empêchant d'exprimer quelque chose de vrai dans le ressenti. par contre je comprends bien ce que tu voumais dire par "convenu".
nuit
par Claire, samedi 03 octobre 2015, 10:57 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par julienb, samedi 03 octobre 2015, 10:59 (il y a 3341 jours) @ Claire
"familière" irait peut-être mieux, mais je ne sais pas si c'est ce que tu veux dire.
nuit
par Claire, samedi 03 octobre 2015, 11:15 (il y a 3341 jours) @ julienb
nuit
par Claire, samedi 03 octobre 2015, 11:19 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par kelig, samedi 03 octobre 2015, 11:29 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par Claire, samedi 03 octobre 2015, 11:41 (il y a 3341 jours) @ kelig
nuit
par kelig, samedi 03 octobre 2015, 12:20 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par Rémy , lundi 05 octobre 2015, 03:01 (il y a 3340 jours) @ Claire
nuit
par julienb, samedi 03 octobre 2015, 15:26 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par Claire, samedi 03 octobre 2015, 21:40 (il y a 3341 jours) @ julienb
l'incohérence
étrangère du monde
c'est bien ça, merci.
nuit
par julienb, samedi 03 octobre 2015, 21:49 (il y a 3341 jours) @ Claire
l'incohérence étrangère du monde
?
nuit
par Claire, samedi 03 octobre 2015, 21:54 (il y a 3341 jours) @ julienb
nuit
par kelig, dimanche 04 octobre 2015, 02:41 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par kelig, samedi 03 octobre 2015, 11:31 (il y a 3341 jours) @ Claire
nuit
par Rémy , lundi 05 octobre 2015, 02:47 (il y a 3340 jours) @ Claire
Oui, je suis très d'accord.
nuit
par kelig, vendredi 02 octobre 2015, 00:36 (il y a 3343 jours) @ catr
c'est ça.
nuit
par catr, vendredi 02 octobre 2015, 01:17 (il y a 3343 jours) @ kelig
nuit
par catr, vendredi 02 octobre 2015, 01:23 (il y a 3343 jours) @ kelig
ensuite re-venir au texte (mais sa chair). je pense que ces "déplacements" permettent de mieux appréhender
nuit
par kelig, samedi 03 octobre 2015, 09:25 (il y a 3342 jours) @ catr
mais j'ai bien lu ça aussi dans le poème :
" moment de conscience et de presque précognition chez l'enfant, en fait, du moment exact où une sorte d'entendement de la "solitude" se fait vraiment, d'où naît une "visualisation" future, sculptante, qui déterminera l'enfant vers... "
et je trouve qu'il est bien écrit ainsi, qu'il coule "de source", mais je l'ai déjà dit.
et je crois que claire ne peut ne pas être claire, si je puis dire, c'est-à-dire écrire avec ce qu'elle est, comme nous le faisons chacun.
nuit
par Rémy , lundi 05 octobre 2015, 02:04 (il y a 3340 jours) @ Claire
Sinon mutatis mutandis c'est le thème d'Erster Verlust de Goethe, ça ne date pas d'hier.
nuit
par Rémy , lundi 05 octobre 2015, 02:23 (il y a 3340 jours) @ Rémy
nuit
par Rémy , lundi 05 octobre 2015, 02:41 (il y a 3340 jours) @ Rémy
nuit
par Claire, lundi 05 octobre 2015, 09:01 (il y a 3340 jours) @ Rémy
Pour les reste, le poème ressemble un peu maintenant à un malabar trop mâché (et par plusieurs enfants), alors je vais faire ce que je faisais quand j'aimais beaucoup les malabars : je vais le coller sous mon bureau et je le reprendrai plus tard pour retrouver le goût et pouvoir le retravailler.
mais je suis maintenant convaincue qu'il a besoin d'être allongé, développé, même s'il est pour moi comme un condensé de ce que je tentais de dire.
En tout cas merci à tous, j'ai toujours aimé partager mes malabars, c'est d'ailleurs comme ça que j'ai été initiée au chewing-gum par une grande (un minuscule morceau). C'était vraiment intéressant tous ces échanges.
nuit
par kelig, lundi 05 octobre 2015, 12:43 (il y a 3339 jours) @ Claire
Moi je le laisserai tel quel et puis aime, ou pas.
Et il n'y a pas pathos dans ce poème, quelle lecture bizarre.
nuit
par Claire, lundi 05 octobre 2015, 13:05 (il y a 3339 jours) @ kelig
les carambars c'est délicieux aussi, mais pour les partager il faut les couper. c'est une façon plus classique de partager :)
nuit
par kelig, lundi 05 octobre 2015, 13:17 (il y a 3339 jours) @ Claire
ah bon d'accord toi tu les refiles de bouche à bouche comme ça les malabars, ben c'est du joli !
nuit
par Rémy , lundi 05 octobre 2015, 01:33 (il y a 3340 jours) @ Claire
À ta place je classerais en diphtongues ouvertes (fois, nuit, adieu, voit), ouvertes sans diphtongue (vie, dit, peut-être aussi entrer), fermées liquides (tutélaires, reprendre, table, lumières - avec diphtonque ET liquide, insaisissables), fermées sonores (monde) et fermées sourdes (poussette, incohérence, commence, adolescence). Ou bien peut-être en syllabes qui font gigoter l'appareil phonatoire (fois, nuit, laires, dieu, prendre, rence, table, trer, voit, mières, sables) et syllabes qui ne font pas gigoter (vie, sette, dit, monde, mence, scence). Et de là, composer, c'est-à-dire suivre les pistes que tu ouvres ou t'abstenir de les ouvrir, ou bien réduire la variété ou bien l'augmenter ou mettre autant de chaque catégorie, ou bien voir la répartition des sons dans chaque catégorie, ouc., composer sur ce point-là, quoi.
nuit
par Claire, lundi 05 octobre 2015, 17:39 (il y a 3339 jours) @ Rémy
(je crois même que tu me taquines)
nuit
par catr, lundi 05 octobre 2015, 17:47 (il y a 3339 jours) @ Claire
et si ça s'trouve il nous prépare un orgasme linguistique
nuit
par Rémy , mardi 06 octobre 2015, 13:15 (il y a 3338 jours) @ Claire
nuit
par Claire, mardi 06 octobre 2015, 17:22 (il y a 3338 jours) @ Rémy
j'aime souvent ta manière à toi, ça me fait poser des questions autrement, mais là tu en as fait une telle accumulation que ça ressemblait à une plaisanterie, et puis ce sont des choses que je ne connais pas. imagine-toi, j'avais oublié ce que c'est qu'une diphtongue !
nuit (2)
par Claire, jeudi 08 octobre 2015, 20:37 (il y a 3336 jours) @ Claire
tout petit enfant on a vu la nuit
loin des figures tutélaires
occupées de leur propre vie,
allongé dans une poussette.
on a saisi le sens de l’adieu :
quand tout est dit.
que le mouvement va reprendre.
on a senti l’incohérence
inconnue du monde
le trou de la haie le verre limpide sur la table
un bâtiment inconnu où il faut entrer
le pays de l’adolescence.
tout ça on le voit
dans le collier de perles que font les lumières
lointaines, insaisissables.
°°°°°°°°°°°°°°°
il n’y a pas de frontière entre la nuit et l’intérieur de ses yeux, rien qui empêche sa vision ; liquides, noires, les prunelles, et l’ourlet des deux paupières immobiles, comme son corps enveloppé, bien au chaud - tout près, la mère (ou le père) est une montagne obscure, absente
- le petit enfant voit, et ne fait rien d’autre
rien ne fait rien, c’est la nuit.
je ne t’ai pas dit adieu, c’était trop tard, rien n’y faisait rien. le temps d’avant était plein, le temps de maintenant vide.
ce qui était surprenant et qui s’interrompt avant qu’on l’ait vraiment vu.
ce qui a été terriblement long à venir, ou a duré longtemps
contre toute logique.
la personne qui est devant vous, dans la file, qui attend son tour.
l’aéroport après minuit
les grandes vitres où se reflète un homme assis.
ce qu’a fixé la mémoire sans aucune raison.
le jardin en juin qu’on a visité, l’échappée d’un vert acide
entre deux sureaux. la soif dont on prend conscience en entendant couler de l’eau.
la première fois où elle vous a parlé de sa maladie, le poing d’un bébé qui dort encore
à-demi ouvert.
la lumière orange dans la rue d’hiver familière, un dimanche soir, en fermant les volets.
ce qu’on n’a pas eu, ce qu’on a eu.
ce qu’on a juste en ce moment.
ce qu’on aime, c’est à dire exactement ce qui va disparaître, que la nuit éloigne - cette liberté des objets, des vivants, quand on ne peut plus les voir.
et tout ce qui va apparaître
dont on ne comprendra
que la facette qui nous regarde.
toi, maintenant
c’est à l’intérieur de moi que je peux saisir
quelque chose qui se mélange, un point de fusion
lave pourpre se déversant dans l’eau, plonge dans la mer nocturne et bouillonne...
que la nuit reste toujours présente, que le jour se lève, que le jardin se livre à sa fermentation lente, à ses propres lois, que je sois là pour l’endiguer.
que rien ne gêne ma vision.
nuit (2)
par julienb, lundi 12 octobre 2015, 17:42 (il y a 3332 jours) @ Claire
"que rien ne gêne ma vision" : sublime
nuit (2)
par Claire, lundi 12 octobre 2015, 18:00 (il y a 3332 jours) @ julienb
moi aussi je préfère la seconde partie, mais la première sert d'ouverture. il y a des poèmes qui fonctionnent comme ça à l'écriture : une première partie statique, puis le vent commence à souffler et à l'emmener. ce sont vos remarques peu enthousiastes à denis et toi qui m'ont poussée à prolonger l'écriture, c'est bien.
nuit (2)
par Claire (pour écouter), samedi 17 octobre 2015, 23:47 (il y a 3327 jours) @ Claire
nuit (2)
par Ecrire, lundi 19 octobre 2015, 21:23 (il y a 3325 jours) @ Claire (pour écouter)
nuit (2)
par Claire, lundi 19 octobre 2015, 21:53 (il y a 3325 jours) @ Ecrire
je n'ai jamais oublié non plus ta lecture d "Héroïne", de Jean Pierre Clémencon.
c'est ça l'avantage des longs trajets :)
nuit (2)
par dh, lundi 19 octobre 2015, 22:28 (il y a 3325 jours) @ Claire (pour écouter)
par contre je n'aime pas le texte.
nuit (2)
par Claire, mardi 20 octobre 2015, 00:18 (il y a 3325 jours) @ dh
moi c'est la diction robotique de Marguerite Duras que je n'aime pas.
:)
je pense que je perçois ce que tu trouves où crois trouver dans ce texte et j'espère que tu te trompes.
nuit (2)
par julien, mardi 20 octobre 2015, 12:50 (il y a 3324 jours) @ Claire
nuit (2)
par zeio , mardi 20 octobre 2015, 18:25 (il y a 3324 jours) @ julien
nuit (2)
par Claire, mardi 20 octobre 2015, 18:40 (il y a 3324 jours) @ zeio
je crois que ça a à voir avec la question de l'émotion : comment on la livre, comment on essaie de lui donner toute son intensité par le refus du débordement, du pathos. Du coup elle semble inaudible pour certains.
Mais c'est ce que j'entends depuis longtemps aussi par rapport à ce que j'écris.
nuit (2)
par julien, mardi 20 octobre 2015, 18:50 (il y a 3324 jours) @ Claire
nuit (2)
par mariestein, mardi 20 octobre 2015, 21:10 (il y a 3324 jours) @ zeio
de toute façon une voix, c'est tellement nu et propre à chacun, on peut comparer des styles, des thèmes d'écriture mais pas les voix
celle de Duras, encore autre chose :
https://www.youtube.com/watch?v=IxvjJCOfxHA
nuit (2)
par Claire, mardi 20 octobre 2015, 21:34 (il y a 3324 jours) @ mariestein
Mais je sens quelque chose de préremptoire chez Duras qui me fait toujours renâcler. C'était un peu l'époque aussi qui voulait ça.
nuit (2)
par Claire, mardi 20 octobre 2015, 21:47 (il y a 3324 jours) @ zeio
nuit (2)
par mariestein, jeudi 22 octobre 2015, 14:29 (il y a 3322 jours) @ zeio
Le texte de Lispector est très intéressant.
Il fait la part belle à ces femmes "réduites au silence" de leur plein gré, alimentant anonymement la vie, et c'est sûrement en effet une des plus belles preuves d'amour que de renoncer à certains aspects de la vie pour ne se consacrer qu'aux travaux domestiques et à ses enfants.
Ce qui pose problème, à beaucoup d'hommes du sérail littéraire, c'est qu'une femme puisse faire le ménage, préparer le repas familial et puis écrire. Comme si cette part de vie matérielle assumée rendait suspect son travail d'écrivain.
Comment pourrait-on faire de la littérature, s'élever au rang des pÔètes, avec la recette de la soupe aux poireaux ??!
C'est pourtant désormais ce qui me touche le plus dans les écrits des femmes que je lis. Cette possibilité d'associer le quotidien domestique, ses tâches considérées comme ingrates ou routinières, à la "noble et intellectuelle" Poésie.
Il faut lire des écrits épistolaires de femmes, ceux d'Amantine Aurore Lucile Dupin ;-) sont exemplaires, les articles que donnait Gabrielle Colette aux magazines féminins également.
Aloïse Corbaz ne déployait son ardent génie de coloriages qu'après de longues séances de repassage.
nuit (2)
par kelig, mercredi 21 octobre 2015, 10:36 (il y a 3323 jours) @ Claire (pour écouter)
je reste attaché au premier poème, si tu veux je le mets sur mon blog et j'en fais une lecture ?
nuit (2)
par Claire, mercredi 21 octobre 2015, 11:52 (il y a 3323 jours) @ kelig
nuit (2)
par kelig, mercredi 21 octobre 2015, 12:17 (il y a 3323 jours) @ Claire
http://aufildelavie.hautetfort.com/archive/2015/10/21/nuit-de-claire-5703643.html
nuit (2)
par Claire, jeudi 22 octobre 2015, 08:54 (il y a 3323 jours) @ kelig