Amok
La violence aveugle était d’autant moins visible en ses prémisses qu’elle ne se signalait jamais par l’usage tâtonnant d’une canne blanche, le port de lunettes ténébreuses et ce maintien du chef incitant à conclure au torticolis alors qu'il correspond, en fait, à une forte promotion de l’ouïe. Les écoles et les universités constituaient ses lieux d'exercices privilégiés. Mais elle pouvait aussi survenir dans un bureau, un café ou s'inviter au cinéma. De même, elle avait ses pays d’élection. États Unis. Allemagne. Finlande. Les US, pays de la liberté de se procurer une arme, caracolaient largement en tête des hécatombes. Les tueurs appartenaient à la classe moyenne, étaient blancs, le plus souvent jeunes, voire très jeunes. Parfois, un vieux se glissait dans le lot. Ainsi en 1964, à Cologne, un retraité avait investi une école primaire et tué plusieurs enfants en usant d'un lance flammes de fabrication artisanale. Encore disposait-il d'un motif : on avait refusé de lui reconnaître une invalidité de guerre. La plupart du temps, les "Amok" massacraient gratuitement, cependant qu'ils préméditaient leur coup longtemps à l'avance, parfois pendant des années. À défaut de mobile, ils couvaient une ambition : battre le record létal de leurs prédécesseurs. Circonstance accablante, ils étaient normaux. Comme vous et moi. Nous, gens normaux, pouvions attendre pendant des mois la sortie d'un Blockbuster, puis nous rendre à la première dans un cinéma de Denver, Colorado afin de mettre un terme à douze vies et en estropier cinquante. Tandis que le réalisateur dénonçait le viol de "l'espace innocent du cinéma", un journaliste s'interrogeait sur l'hypothétique responsabilité de Batman. Le casting était choqué. Les parents étaient choqués. Obama était choqué. Il le serait un certain nombre de fois pendant ses deux mandats...
On apprendrait plus tard que le tueur, "un jeune homme gentil et sans histoire" avait obtenu son diplôme en neuro sciences après quatre années de brillantes études pour ne pas trouver de travail et embrasser la carrière d'équipier dans un fast-food. Pendant ses loisirs, il se dépensait en emplettes à l'armurerie du quartier.
On apprendrait plus tard que le tueur, "un jeune homme gentil et sans histoire" avait obtenu son diplôme en neuro sciences après quatre années de brillantes études pour ne pas trouver de travail et embrasser la carrière d'équipier dans un fast-food. Pendant ses loisirs, il se dépensait en emplettes à l'armurerie du quartier.