l'apprenti démiurge
Dès l’âge de cinq ans, vous vous entrainâtes à devenir surnaturel. Vous débutâtes votre carrière de démiurge en toute modestie batracienne. Vous exposiez vos cobayes d’élection au soleil, ligotés par les membres postérieurs, sur la rampe surchauffée du perron. De nature conciliante, les visqueuses ne mettaient que quelques minutes à sécher. Lorsqu’il devenait difficile de les distinguer du minéral, vous les ressuscitiez en les aspergeant d’eau. Bientôt, ô miracle, elles virgulaient l’atmosphère ! Quelques-unes, minorité contrariante, s’obstinaient dans leurs raideurs. On ne passe pas du statut de demi-portion à celui de quasi-dieu sans concéder quelques sacrifices… Persévérant devant l’obstacle, vous tentiez de les ranimer par diverses techniques éprouvées. D’abord, vous leur tapotiez délicatement le caillou. Ensuite, vous lâchiez quelques fourmis chatouilleuses sous leurs aisselles. Si ces premières mesures n’aboutissaient pas, vous agitiez un moucheron grassouillet devant leurs mirettes atones. En général, ce stimulant enregistrait un beau succès. Enfin, en dernier recours, vous imitiez le silence du nénuphar tout confort avec piscine et jacuzzi. A ce stade d’indifférence, vous considériez leur trépas définitif et les expédiiez sans cérémonie dans le jardin du voisin.