Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p
Et à nouveau tu racles le sol, ton message est abrupt ; l’élément principal est le dysfonctionnement, tes gestes sont incohérents, le message s’évapore prend soudain la forme de l’inéxprimable et du vide et de l'angoisse ; alors tu racles tu racles, tu te penches vers d’autres formes ; tu échappes au vide en prennant le monde d’assaut ;
oui tu veux le monde, tu le veux sur ton épaule avec ton message au-dessus ; tu peins tu chantes tu écris tu racles photos et sources rap intarissables ; tu es intarissable et si tu n’avais la conscience d’avoir de l’importance tu
*
Tout avait la couleur mouvante de l’angoisse. Tout passait. Rien ne restait jamais, je n’arrivais qu’à saisir des bribes de pensées, idées, concepts ; je devais écrire à temps, peindre à temps, chanter à temps, sinon l’idée disparaissait, la fulgurance ne trouvait pas père, pas bouche, pas cri ; je ne réalisais pas.
Aussi, mon travail principal consistait-il (til til) à être prêt, aux aguets toujours face à l’inconscient, et à ses soubresauts telluriques - et c’est ainsi qu’a commencé la dialectique, que mon interiorité est devenue une terre dont j’établis, peu à peu, la cartographie.
Mon esprit est un territoire en guerre, j'en connais les moindres recoins, mon innocence intacte, ma pensée: le critique et le transgresseur, en conflit permanent.
*
Tu n’as pas mal, c’est un rêve, une énigme avec des gens qui courent et un torrent de montagne, tu n’as pas mal, tu n’as même plus de corps - tu es une énigme avec des gens qui courent et un torrent de montagne, tu n’as pas mal ne sens rien ne t’approches de rien ne t’accordes avec rien. Tu n’as plus assez de force pour avoir faim, tu n’as plus de corps alors tu écris avec le corps des autres, leur voix, leur vie, leur pensée, même, et avec l’infini pouvoir de celui qui ne lutte plus,
non, rien que du désert et du désert encore, et cette énigme énorme, avec des gens qui courent et un torrent de montagne.
*
Avant j’étais poète, je traversais les murs, le non-sens avait béni mes fautes, je ne pensais qu’à écrire. Tout ce que je faisais, je le faisais pour l’art, si je n’écrivais plus je n’étais plus personne ; mes pas n’avaient plus de but ; c’est en cela que j’étais poète.
On va dire que pour vivre quelque chose, il fallait que je l’écrive avant, et souvent je prédisais les abimes futurs, je les sentais dans les doigts qui remontaient jusqu’aux épaules, et vous faisaient l’air lourd, sans force mais pesant, incompatible avecla vie. - Les mots étaient plus qu’une projection de l’esprit: ils étaient mes organes, mon souffle, mon pouls - des mots jusqu’à n’en plus finir, avec de la graine, avec de l’ivraie et des tâches, des mots anarchiques comme une sorte de loghorrée n’ayant pour but que le sommeil. J’écrivais pour me fatguer, tout simplement, me fatiguer l’esprit, et c’est en cela que j’étais poète.
J’aimais avant tout la fièvre. Si je n’écrivais pas pendant la fièvre, j’avais raté ma fièvre ; puis les hallucinations m’ont porté un peu plus loin, ET J’AI ALORS CRU VOIR CE QUE L’HOMME A VU ; ai commencé à me méfier de mes perceptions, de mes sens, même, je me suis mis à douter dans le seul but, cette fois, de ne pas m’engager plus loin dans la folie. Croyez-moi, j’en ai pensé des choses inouïes, j’en ai bouffé, même, jusqu’à ce point où il fallait que je feigne la normalité, le bon sens, c’est tout.
J’avais par exemple mis au point le «sourire mâché»: en gros vous coincez un peu votre joue sous vos dents de manière à avoir un léger sourire perpétuel, la mine affable quoi, pas vu pas pris. Je marchais ainsi et dans ma tête c’étaient des explosions métaphysiques, des avalanches verbales, des éclosions nucléaires ; ça pétait de partout en moi lorsque j’achetais mon pain. Mes j’avais mon léger sourire perpétuel, et ça me protégeait bien.
Aujourd’hui les choses sont plus nuancées, je grandis tout simplement, je ne renonce à rien, mais je grandis, et parfois j’aimerais revenir à ces états de création sans limites, de psychose contenue - mais je ne peux plus en payer le prix, habitué que je suis désormais, à dormir de moi-même. Le poète est derrière moi, je ne soutiens plus son regard, je ne peux plus le suivre. Aussi serai-je désormais le témoin, le messager de ce poète. Je ne serai plus jamais poète. Je vivrai sous la peau.
*
J’espère toujours que la paix existe quelque part ; je la veux fort la paix, je l’attends, l’écoute, la palpe, et c’est pas peu dire. J’écris comme on tue pour se nourrir. Mal mal mal. Et si je n’avais l’intime conviction d’être un grand artiste, je me tuerais sur le champ. Et un torrent de montagne.
oui tu veux le monde, tu le veux sur ton épaule avec ton message au-dessus ; tu peins tu chantes tu écris tu racles photos et sources rap intarissables ; tu es intarissable et si tu n’avais la conscience d’avoir de l’importance tu
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Tout avait la couleur mouvante de l’angoisse. Tout passait. Rien ne restait jamais, je n’arrivais qu’à saisir des bribes de pensées, idées, concepts ; je devais écrire à temps, peindre à temps, chanter à temps, sinon l’idée disparaissait, la fulgurance ne trouvait pas père, pas bouche, pas cri ; je ne réalisais pas.
Aussi, mon travail principal consistait-il (til til) à être prêt, aux aguets toujours face à l’inconscient, et à ses soubresauts telluriques - et c’est ainsi qu’a commencé la dialectique, que mon interiorité est devenue une terre dont j’établis, peu à peu, la cartographie.
Mon esprit est un territoire en guerre, j'en connais les moindres recoins, mon innocence intacte, ma pensée: le critique et le transgresseur, en conflit permanent.
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Tu n’as pas mal, c’est un rêve, une énigme avec des gens qui courent et un torrent de montagne, tu n’as pas mal, tu n’as même plus de corps - tu es une énigme avec des gens qui courent et un torrent de montagne, tu n’as pas mal ne sens rien ne t’approches de rien ne t’accordes avec rien. Tu n’as plus assez de force pour avoir faim, tu n’as plus de corps alors tu écris avec le corps des autres, leur voix, leur vie, leur pensée, même, et avec l’infini pouvoir de celui qui ne lutte plus,
non, rien que du désert et du désert encore, et cette énigme énorme, avec des gens qui courent et un torrent de montagne.
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Avant j’étais poète, je traversais les murs, le non-sens avait béni mes fautes, je ne pensais qu’à écrire. Tout ce que je faisais, je le faisais pour l’art, si je n’écrivais plus je n’étais plus personne ; mes pas n’avaient plus de but ; c’est en cela que j’étais poète.
On va dire que pour vivre quelque chose, il fallait que je l’écrive avant, et souvent je prédisais les abimes futurs, je les sentais dans les doigts qui remontaient jusqu’aux épaules, et vous faisaient l’air lourd, sans force mais pesant, incompatible avecla vie. - Les mots étaient plus qu’une projection de l’esprit: ils étaient mes organes, mon souffle, mon pouls - des mots jusqu’à n’en plus finir, avec de la graine, avec de l’ivraie et des tâches, des mots anarchiques comme une sorte de loghorrée n’ayant pour but que le sommeil. J’écrivais pour me fatguer, tout simplement, me fatiguer l’esprit, et c’est en cela que j’étais poète.
J’aimais avant tout la fièvre. Si je n’écrivais pas pendant la fièvre, j’avais raté ma fièvre ; puis les hallucinations m’ont porté un peu plus loin, ET J’AI ALORS CRU VOIR CE QUE L’HOMME A VU ; ai commencé à me méfier de mes perceptions, de mes sens, même, je me suis mis à douter dans le seul but, cette fois, de ne pas m’engager plus loin dans la folie. Croyez-moi, j’en ai pensé des choses inouïes, j’en ai bouffé, même, jusqu’à ce point où il fallait que je feigne la normalité, le bon sens, c’est tout.
J’avais par exemple mis au point le «sourire mâché»: en gros vous coincez un peu votre joue sous vos dents de manière à avoir un léger sourire perpétuel, la mine affable quoi, pas vu pas pris. Je marchais ainsi et dans ma tête c’étaient des explosions métaphysiques, des avalanches verbales, des éclosions nucléaires ; ça pétait de partout en moi lorsque j’achetais mon pain. Mes j’avais mon léger sourire perpétuel, et ça me protégeait bien.
Aujourd’hui les choses sont plus nuancées, je grandis tout simplement, je ne renonce à rien, mais je grandis, et parfois j’aimerais revenir à ces états de création sans limites, de psychose contenue - mais je ne peux plus en payer le prix, habitué que je suis désormais, à dormir de moi-même. Le poète est derrière moi, je ne soutiens plus son regard, je ne peux plus le suivre. Aussi serai-je désormais le témoin, le messager de ce poète. Je ne serai plus jamais poète. Je vivrai sous la peau.
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J’espère toujours que la paix existe quelque part ; je la veux fort la paix, je l’attends, l’écoute, la palpe, et c’est pas peu dire. J’écris comme on tue pour se nourrir. Mal mal mal. Et si je n’avais l’intime conviction d’être un grand artiste, je me tuerais sur le champ. Et un torrent de montagne.