Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par 411, mardi 02 septembre 2014, 16:16 (il y a 3738 jours)

Et à nouveau tu racles le sol, ton message est abrupt ; l’élément principal est le dysfonctionnement, tes gestes sont incohérents, le message s’évapore prend soudain la forme de l’inéxprimable et du vide et de l'angoisse ; alors tu racles tu racles, tu te penches vers d’autres formes ; tu échappes au vide en prennant le monde d’assaut ;

oui tu veux le monde, tu le veux sur ton épaule avec ton message au-dessus ; tu peins tu chantes tu écris tu racles photos et sources rap intarissables ; tu es intarissable et si tu n’avais la conscience d’avoir de l’importance tu



*



Tout avait la couleur mouvante de l’angoisse. Tout passait. Rien ne restait jamais, je n’arrivais qu’à saisir des bribes de pensées, idées, concepts ; je devais écrire à temps, peindre à temps, chanter à temps, sinon l’idée disparaissait, la fulgurance ne trouvait pas père, pas bouche, pas cri ; je ne réalisais pas.

Aussi, mon travail principal consistait-il (til til) à être prêt, aux aguets toujours face à l’inconscient, et à ses soubresauts telluriques - et c’est ainsi qu’a commencé la dialectique, que mon interiorité est devenue une terre dont j’établis, peu à peu, la cartographie.

Mon esprit est un territoire en guerre, j'en connais les moindres recoins, mon innocence intacte, ma pensée: le critique et le transgresseur, en conflit permanent.



*



Tu n’as pas mal, c’est un rêve, une énigme avec des gens qui courent et un torrent de montagne, tu n’as pas mal, tu n’as même plus de corps - tu es une énigme avec des gens qui courent et un torrent de montagne, tu n’as pas mal ne sens rien ne t’approches de rien ne t’accordes avec rien. Tu n’as plus assez de force pour avoir faim, tu n’as plus de corps alors tu écris avec le corps des autres, leur voix, leur vie, leur pensée, même, et avec l’infini pouvoir de celui qui ne lutte plus,

non, rien que du désert et du désert encore, et cette énigme énorme, avec des gens qui courent et un torrent de montagne.



*



Avant j’étais poète, je traversais les murs, le non-sens avait béni mes fautes, je ne pensais qu’à écrire. Tout ce que je faisais, je le faisais pour l’art, si je n’écrivais plus je n’étais plus personne ; mes pas n’avaient plus de but ; c’est en cela que j’étais poète.

On va dire que pour vivre quelque chose, il fallait que je l’écrive avant, et souvent je prédisais les abimes futurs, je les sentais dans les doigts qui remontaient jusqu’aux épaules, et vous faisaient l’air lourd, sans force mais pesant, incompatible avecla vie. - Les mots étaient plus qu’une projection de l’esprit: ils étaient mes organes, mon souffle, mon pouls - des mots jusqu’à n’en plus finir, avec de la graine, avec de l’ivraie et des tâches, des mots anarchiques comme une sorte de loghorrée n’ayant pour but que le sommeil. J’écrivais pour me fatguer, tout simplement, me fatiguer l’esprit, et c’est en cela que j’étais poète.



J’aimais avant tout la fièvre. Si je n’écrivais pas pendant la fièvre, j’avais raté ma fièvre ; puis les hallucinations m’ont porté un peu plus loin, ET J’AI ALORS CRU VOIR CE QUE L’HOMME A VU ; ai commencé à me méfier de mes perceptions, de mes sens, même, je me suis mis à douter dans le seul but, cette fois, de ne pas m’engager plus loin dans la folie. Croyez-moi, j’en ai pensé des choses inouïes, j’en ai bouffé, même, jusqu’à ce point où il fallait que je feigne la normalité, le bon sens, c’est tout.



J’avais par exemple mis au point le «sourire mâché»: en gros vous coincez un peu votre joue sous vos dents de manière à avoir un léger sourire perpétuel, la mine affable quoi, pas vu pas pris. Je marchais ainsi et dans ma tête c’étaient des explosions métaphysiques, des avalanches verbales, des éclosions nucléaires ; ça pétait de partout en moi lorsque j’achetais mon pain. Mes j’avais mon léger sourire perpétuel, et ça me protégeait bien.



Aujourd’hui les choses sont plus nuancées, je grandis tout simplement, je ne renonce à rien, mais je grandis, et parfois j’aimerais revenir à ces états de création sans limites, de psychose contenue - mais je ne peux plus en payer le prix, habitué que je suis désormais, à dormir de moi-même. Le poète est derrière moi, je ne soutiens plus son regard, je ne peux plus le suivre. Aussi serai-je désormais le témoin, le messager de ce poète. Je ne serai plus jamais poète. Je vivrai sous la peau.



*



J’espère toujours que la paix existe quelque part ; je la veux fort la paix, je l’attends, l’écoute, la palpe, et c’est pas peu dire. J’écris comme on tue pour se nourrir. Mal mal mal. Et si je n’avais l’intime conviction d’être un grand artiste, je me tuerais sur le champ. Et un torrent de montagne.

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par catrine, mercredi 03 septembre 2014, 05:17 (il y a 3737 jours) @ 411

..et torrent
et montagne.

(je te souris)

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par dh, mercredi 03 septembre 2014, 11:49 (il y a 3737 jours) @ catrine

désolé mais je ne vois pas l'intérêt.

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par catrine, mercredi 03 septembre 2014, 14:21 (il y a 3737 jours) @ dh

euhm... tu vois rarement l'intérêt, mais en fait ce n'est pas une question d'intérêt, c'est une question de poétique, et de la poétique de Anselmet.

et si je peux me permettre, ce protagoniste du texte... il ouvre son abîme, et elle est béante, il chute dedans au ralenti et la voit toute, en toute lucidité, et avec une certaine ironie de surcroit... donc c'est plutôt intéressant de le voir faire, de le voir aussi rire de lui en même temps qu'il chute, de le lire se mastiquer, domestiquer et dé-domestiquer, chercher la prise, la poigne, l'empoigne ( main, branche, épée ) et torrent tomber dedans... comme Perceval ! et la symbolique est si claire et translucide ! et montagne ! bon sens ! je pourrais écrire trois pages juste pour et torrent et montagne


et j'aime l'idée que c'était/c'est en processus, croquer en pleine transformation.

Frangments (sisi la famille)

par 411, mercredi 03 septembre 2014, 21:08 (il y a 3737 jours) @ catrine

Je ne sais si c'est de la graphomanie, mais on peut dire que ça s'y apparente. tout du moins ça cause de ça (les torrents). Merci à tous.

Frangments (sisi la famille)

par cat..., mercredi 03 septembre 2014, 21:23 (il y a 3737 jours) @ 411

en poésie il y a aussi l'expression "être dans le torrent"
et tu y es, Pierre, tu y es, je te l'assure

Frangments (sisi la famille)

par 411, mercredi 03 septembre 2014, 21:55 (il y a 3737 jours) @ cat...

Merci cat. J'ai bien besoin d'entendre ça en ce moment. Car même si je "suis dans le torrent" je continue de ramer (ce qui est tout à fait inutile), et je peine à me faire connaître, pêchant par manque de communication et par mon absence de participation aux revues. Ça peut paraître con, mais j'estime que le poète doit se concacrer à construire des recueils - l'"objet recueil" - et non à parader dans les revues. Sauf que bah j'ai des recueils mais pas de lecteurs. Du coup jsuis baisé et je compte beaucoup sur le dernier, actuellement chez l'éditeur. Mais pour l'instant bah si je perds mon briquet je peux pas en acheter un autre. D'où ce merci.

Frangments (sisi la famille)

par cat, jeudi 04 septembre 2014, 16:46 (il y a 3736 jours) @ 411

... hm
(je t'écris ça comme je pense, et évidemment ça me vient d'un petit fil d'expérience..mais bon, c'est qu'un fil, d'autres en ont aussi, et sans doute des meilleurs, sûrement..)... tu sais, je me méfie de l'idée d'être connu, du "vouloir être connu", je me méfie de ça... beaucoup..parce que ça contient rarement de la vraie reconnaissance, dans le sens où souvent (pas toujours mais souvent) autrui se sert d'un nom (en l'occurrence un auteur de poésie) pour se faire valoir lui-même... et ce faire valoir est illusoire tout autant que le "vouloir être connu"... aussi peut-être parce que ça contient quelque chose du paraître, de l'image de soi, de l'ego, de l'orgueil, ou de la vanité ..et à ces aspects-là je préfère mille fois l'estime (et comme j'estime chacun ici, chaque main d'écriture). hors l'estime, celle de soi, si on ne l'a pas reçue, si elle ne nous a pas été donnée par les filins de vie, elle ne vient pas de ces milieux dits littéraires.. (les milieux littéraires donnent un petit sucre... qu'ils nous casse parfois sur le dos ensuite..) elle ne vient pas des autres, extérieurs, et ne peut être reçue des autres que si à la base on a colmaté le fond.. le fond du "verre d'estime" en soi-même déjà.. oui pardon c'est une image (voire, un verre de "stiiiroOphôme" avec un trou dans le fond d'où toute estime versée fuit littéralement..) et c'est long à faire mais ça se fait ;)

de l'écriture en revue, curieusement dans ma vie, ça vient presque dix ans après avoir été publiée en maison d'éditions pour la première fois, alors tu vois.. il n'y a pas de recette, et ce qui arrive arrive justement quand "c'est prêt", quand c'est le temps, quand on a placé certaines choses, décanté d'autres choses aussi... puis pour le torrent, c'est lui qui décide, pas toi, et les rames sont bien inutiles tant qu'on est dedans... laisse, laisse. voilà tout ce que je peux te dire.. le reste.. le reste ça vient (ou pas) avec la vie ;)

te casse pas la tête pour rien, si le torrent te prend il te prend
s'il s'empare de toi c'est qu'il y a une raison pour ça, et c'est très bien comme c'est
... les revues ou pas les revues, mais l'objet-livre, oui, oui si c'est "prêt"

Frangments (sisi la famille)

par cat, vendredi 05 septembre 2014, 05:11 (il y a 3735 jours) @ cat

...en d'autres mots : tu as le droit (mais tu te le dois en fait..) de t'alléger des pressions, de certaines pressions..
(je ne sais pas pourquoi mais mon intuition me dit que..) .. c'était le fond du maladroit message prècédant..

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par dh, mercredi 03 septembre 2014, 11:50 (il y a 3737 jours) @ 411

je veux dire, pour moi, c'est juste de la graphomanie. point barre.

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par cat., mercredi 03 septembre 2014, 14:46 (il y a 3737 jours) @ dh

lol lol tu m'imagines te dire ça ?

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par dh, mercredi 03 septembre 2014, 14:49 (il y a 3737 jours) @ cat.

je parle du texte de 411, pas de ton com.

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par cat., mercredi 03 septembre 2014, 14:53 (il y a 3737 jours) @ dh

ahahAHAHahah
ben voui je sais,
mais tu m'imagines te dire à toi que ce que tu fais c'est juste de la graphomanie ?

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par dh, mercredi 03 septembre 2014, 15:01 (il y a 3737 jours) @ cat.

bah, pourquoi pas, ça ne me choquerai pas.

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par cat., mercredi 03 septembre 2014, 15:03 (il y a 3737 jours) @ dh

lol ha d'accord, je vais m'en souviendre ;)

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par zeio, mercredi 03 septembre 2014, 16:50 (il y a 3737 jours) @ cat.

Graphomanie, c'est le mot qu'avait inscrit sur un bout de papier le psychiatre de Artaud, pour décrire en un seul mot, son "mal".

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par dh, mercredi 03 septembre 2014, 17:59 (il y a 3737 jours) @ zeio

eh oui. françois, c'est un peu notre artaud à nous !

Frangments d'un petit cahier jaune/papier surfin/96p

par zeio, mercredi 03 septembre 2014, 18:45 (il y a 3737 jours) @ dh

(J'aime Artaud pourtant littérairement j'en suis éloigné. À moins que tu veuilles dire par là que je suis psychologiquement malade comme il l'était, dans ce cas, je n'ai rien de particulier à répondre à ça...)

Sinon, je ne vois pas ce qui te permet de penser que le travail de Pierre Anselmet se résume à de la "graphomanie". N'importe quoi. C'est au contraire structuré, sensé, travaillé.

"Oasis interdites"

par Claire @, vendredi 05 septembre 2014, 14:08 (il y a 3735 jours) @ 411

c'est vraiment comme un carnet de voyage.

J'ai pensé à ce bouquin-là d'Ella Maillart, parce qu'il y est beaucoup question de ce qui est difficile, des dangers, des petites contrariétés, et de la réalité de ce qui est vu et ressenti, sans recherche d'exaltation ni de pittoresque...
Du coup on a l'impression forte de le partager ce voyage, et de toucher du doigt une réalité qui pourtant nous est inconnue. D'être à côté, dans ce pays, à essayer de le comprendre pour pouvoir continuer à avancer, lentement.

"Oasis interdites"

par Claire @, vendredi 05 septembre 2014, 14:16 (il y a 3735 jours) @ Claire

j'espère que je ne vous agace pas trop avec mes "ça me fait penser à "....un vrai tic :)

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par Claire @, vendredi 05 septembre 2014, 14:49 (il y a 3735 jours) @ 411

ces histoires de revues et de recueils, moi je trouve que c'est plus intéressant qu'il n'y paraît.
Je veux dire : envoyer un poème à une revue c'est le retravailler, se mettre en danger de refus, s'adresser à d'autres, choisir un groupe où on va prendre la parole (une revue c'est toujours un peu un groupe)....tout ça pas inintéressant, pas à mépriser à moins de se vouloir un surhomme anachorète, dégagé du lien social.
Rassembler un recueil c'est chercher une continuité, déchiffrer quelque chose derrière sa propre écriture, qu'on tente ensuite de rendre intelligible. C'est faire exister un livre qui n'existe pas encore...c'est complémentaire avec ce moment : écrire un poème.

Et ça accroche à la réalité, si peu reluisante qu'elle semble parfois, et pas toujours obéissante : elle est comme elle est.

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par dh, vendredi 05 septembre 2014, 17:09 (il y a 3735 jours) @ Claire

tout à fait d'accord.

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par cat, vendredi 05 septembre 2014, 19:05 (il y a 3735 jours) @ Claire

ben.. oui et non
dans le sens qu'il faut savoir pourquoi on ..soumet

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par Claire @, vendredi 05 septembre 2014, 19:22 (il y a 3735 jours) @ cat

pour voir ce que ça donne ? Et ce qu'on fait de ce que ça donne ?
voilà, c'est tout pour moi...essayer.

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par cat, vendredi 05 septembre 2014, 23:35 (il y a 3735 jours) @ Claire

"pour voir si", one two testing ? c'est un peu comme pile ou face, un jeu.
"pour être reconnu", two three testing input and output ? ça vice un chouya
"pour l'appartenance" clanique ? poudre aux yeux et beurre de paillette ... mieux vaut s'appartenir à soi-même
pour donner tout simplement, parce qu'on sent que peut-être... et sortir de sa zone de confort,
ha ...ça, ça m'intéresse


toutes les différences sont dans la nature ;)

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par Claire @, samedi 06 septembre 2014, 11:59 (il y a 3734 jours) @ cat

"Il n'y a pas d'objectif dans la vie"....pourquoi je fais ça ? Parce qu'il faut bien faire quelque chose. En fonction de ce que je suis ;)

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par cat, samedi 06 septembre 2014, 16:47 (il y a 3734 jours) @ Claire

ha...je lis ça autrement, et je le vis aussi autrement, en fait en m'interrogeant sur l'agir d'une écriture — ce qu'elle agit et comment —
pour ensuite chercher, tenter de trouver sa crèche le nid adéquat où déposer cette écriture et ce qu'elle porte

..c'est toujours en fonction de l'écriture, de ce qu'elle a à faire..

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par cat, samedi 06 septembre 2014, 17:17 (il y a 3734 jours) @ Claire

la vie n'a pas d'autres objectifs que la vie. la vie étant son objectif le plus haut.