Imagination approvisionnée et chargée

par Ecrire, samedi 02 janvier 2016, 17:10 (il y a 3250 jours)

Votre transport était annoncé sur le quai 3. Cette nouvelle vous combla d'aise. Le 3 était un bon numéro. D'ordinaire, le train qui empruntait cette voie était déjà sur place. Cela permettait de rejoindre son siège et de s'y poser au chaud au lieu de geler debout en escomptant que l'horizon accouche du bébé aérodynamique. De surcroît, il s'avérait peu occupé et... bonus éventuel, nettoyé. Vous traversâtes la coursive souterraine après avoir composté votre billet. La valise vous suivait gentiment en froufroutant des roulettes. L'escalier mécanique et républicain effectuait sa tâche avec constance en appliquant stricto sensu la devise égalitaire. Vous l'empruntâtes en compagnie d'un échantillon de langues étrangères, d'accents cocasses et de classes sociales métissées. Au débouché, vous croisâtes trois militaires qui progressaient, positionnés en V. Les canons de leurs fusils d'assaut demeuraient pointés vers le sol, comme si les armes étaient approvisionnées et chargées. Il n'est pas superflu de rappeler les caractéristiques de cet armement, dont la vision vous est désormais plus familière que celle de votre voisin de palier. La vitesse de tir pratique d'un Famas, se cantonne, si l'on peut s'exprimer ainsi, à cent coups minute. Le magasin contient 25 balles. Les projectiles sont dotés d'une vélocité initiale de 930 mètres seconde. Ils percent un casque à 300 mètres et tracent sur plus de 3 km avant de fatiguer. On préfèrerait ne pas imaginer les dégâts collatéraux que leur usage pourraient entraîner, sachant que les patrouilles s'effectuent plus volontiers dans les lieux à forte densité humaine plutôt que dans les églises à l'heure du culte. Trop tard. L'imagination, toujours approvisionnée et chargée, avait expédié une salve sans préavis.