LE HASARD ET LA NECESSITE (J. MONOD)

par Louis @, jeudi 14 janvier 2016, 02:21 (il y a 3238 jours)

LORSQUE J'AVAIS DES PENSÉES, je les disposais autour du centre d'une pièce que mon attention circonscrivait, prêtes à renaitre comme un mouvement à l'eau en fait les rides, et ce que je savais refluait à mes gestes de manière concentrique; n'importe qui aurait pu commenter cet agencement, mettre ici ce qui couchait là, redisposer les membres d'une implication, déranger les arguments laissés sur la table; il fallait pourtant une personne pour témoigner de cet ordre qui filait entre mes doigts comme le souffle des histoires qu'on se raconte avant de dormir, une personne pour ignorer une raison invisible d'inexister, mais capable de la justifier à tout instant, comme s'il y avait eut une nécessité à sa présence, ici; une personne pour que les soleils tournent autour et tombent au hasard des jardins que les intentions ouvrent afin que les projets puissent y dormir.

il y avait ici... ET c'est fatal, je ne me souviens plus très bien.
d'abord, où était-ce ? ni dans ma pensée, ni dans ma mémoire, mais juste avant ; pas non plus dans ce que je voyais, mais juste après ; entre les deux, peut-être un passage, une main serrée, un principe ou un ordre, un baisé échappé, une main filée, une bouffée de cigarette qu'on avale ou rien de cela. je suppose que les choses que l'on sent peuvent connaître l'influence d'un principe qui les organise sans que l'on s'en aperçoive mais il suffit d'un rien pour que ces bouquets se dérobent à leur origine, pour que les pensées tombent par terre, pour qu'on s'ennuie à les fouler. il y a des choses qui m'étonneront à tout jamais.

le rapport à la mémoire, par exemple. rapidement il y a quelque chose de vain à ce que le hasard y met, n'y découvrant d'ordre que celui d'à mon égard un semblable rapport. mais drôle de rapport qu'un élément supplémentaire interroge à nouveau, et réordonne. c'est comme un crépuscule qui reviendrait sur ses pas à chaque fois qu'une poussière quelconque se déposerait sur l'épigée. c'est comme...

...pourtant la mémoire est un soleil qui ne se couche jamais au-dessus de ses propres occurrences. l'absence de pensée est aussi un indexical. lorsque j'avais des pensées, j'en goûtais le mésusage ou l'absence, ponctué de cigarettes. je sais toujours qu'on ne justifie pas mieux son temps:

CAR QUE L'ON PENSE OU QUE L'ON ÉCRIVE, LE CONTEXTE EST LE SOLEIL DES SYNTAGMES. IL SE LÈVE AUX PRÉDICATS, LES ATTACHE A SES VARIABLES COMME ON AGRAFE DES ROBES. l'aube est une opinion (le crépuscule une pudeur ou une politesse).

ainsi tout commence toujours n'importe où au milieu du langage... ça ne fait pas une phrase ni une pensée pourtant. cette lumière se distribue comme le dé fait des nombres. peut-être que si je résumais sous mes yeux ma mémoire à touffes éparses je réussirais à formuler quelque chose qui se tienne en deça d'une opinion comme en deçà des lèvres se tiennent les intentions des baisers. c'est qu'il fait beau dans l'impersonnel comme tout mieux que moi semble se refléter exactement aux miroirs (c'est une question d'angle d'incidence, rien de plus). toi, tu te lèves et ignores ce que tu vas faire, aucune direction générale n'a été donnée, ton absence d'hésitation qui en est la conséquence est ton miracle, mais tu ignores jusqu'au semblant des miracles ni ne fait de distinction entre les différents modes d'apparaitre : tes yeux ont un usage général, ils sont purs, ils ne mêlent d'aucune autre eau celle mobile des objets.

les objets portent sur eux leurs noms, qu'ils inscrivent sur leur fonction, je veux dire leur visage. cependant ces présentations se déroulent informulées, car ce que j'ignore d'un objet il le sait lui-même, et se tait en lui-même lorsqu'il se déplie suivant le ruban vague d'un bonjour comme un ciel s'étale en reprenant sa respiration, et sans doute

SANS DOUTE est-ce le discours des matins pris au hasard des yeux ou des calendrierS et un principe commun aux promenades, aux pensées, aux cafés, aux rues tournées lorsqu'on y verse la présomption des chemins à venir ou celle des doigts qui s'épuisent à parcourir un dos dénudé ou au discours celui du couteau des césures c'est à dire de celui qui témoigne dans ma voix des hésitations qui partout sont ces alexandrins cherchant leur chemin (PEUT-ÊTRE)


CE PRINCIPE, QUI EST CELUI DU HASARD


NE GÉNÈRE QUE DES PENSÉES QUE J'ACCROCHE AU PORTE-MANTEAU AVANT D'ENTRER AU DISCOURS DE LA PIÈCE POUR LES VOIR RENAÎTRE PARTOUT DANS TA CHAMBRE à la fréquentation d'un livre d'une table d'une commode d'un lit ou de ton dos de tes mains de ta gorge de ta nuque de ta peau (comme un livre qu'ouvre le vent n'importe où et tombe sur la phrase qu'il cherchait) de ta bouche de ta gorge et ce que je dis nait de ces choses éparpillées dans l'ignorance que tu les sèmes c'est partout le centre des boussoles ou un soleil rembobiné ma pensée est ta lecture et je trouve à tes lèvres ma ponctuation cependant que tous les mots tombent des livres lorsque pour dormir tu veux te déshabiller


CE PRINCIPE, QUI EST CELUI DU HASARD, RECOMMENCE N'IMPORTE OÙ AU MILIEU DE LA VIE



















mais tes mains sont douces comme les choses abolies

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