La banque du sperme

par kelig, samedi 16 janvier 2016, 10:51 (il y a 3236 jours)

Je rentrais d'une soirée chez des amis. C'était sympathique, mais j'avais le moral en dents de scie élimée. Je sortais d'une liaison qui avait échoué, comme d'habitude. Un pétard mouillé. Mes projections vers les temps à venir une nouvelle fois réduites à peau de chagrin. Ma foi. J'avais l'expérience pour me sortir de cette passe maussade, c'est peu dire, je ne me faisais pas plus que ça de mouron. C'était simplement la fin de l'été. On verrait bien ! Sur le chemin, au retour de la place Cadenat, j'abordais la Friche en vue de m'orienter vers le sombre tunnel qui sépare le quartier de la Belle de Mai de l'autre de la ville. Au-dessus circulent les voies des trains. Il faisait sombre et pas de monde, quelques bagnoles, minuit et des poussières, l'endroit n'est pas très rassurant, voire ça craint des fois, surtout pour les gonzesses mais pas que, même si je suis pas genre froussard.
C'est à cet endroit qu'une voix héla par derrière en biais. Je continuait dans mes pensées. La voix répétât, je me retournai alors et regardai en direction. Une meuf dans une caisse m'interpellait.
- Pardon monsieur, vous savez pas où est … ?
Je captais que dalle. Qu'est-ce que c'était que ce barragoin.
- Pardon ? Répondis-je en automate.
- Vous savez où se trouve la banque du sperme ?
En fait elles étaient quatre dans la tuture, de nanas.
- Heu, non. Répondis-je toujours en automatique. La question commençait quand même à s'insinuer dans mon dur d'oreille et à le détendre.
- Ah ouais, vous êtes sûr ? Parce que nous on cherche la banque du sperme.
- Ah désolé, je sais pas où elle est. Répondis-je en souriant mais sans répartie. Je faisais évidemment la liaison avec la banque à thunes, mais aussi la banque de prêt, en langage bibliothéconomique pour les avertis. J'arrivais pas à mesurer l'énormité de the question.
Ca dura encore trente secondes peut-être de dialogue loufoque. Et puis elle me dit : « Tant pis ! » Et de démarrer sans crier gare en me souhaitant fort bonne soirée ! S'esclaffant de concert de leur bon tour.
J'avais bien capté maintenant que c'était parti. A la réflexion, c'était fort rigolo. Je me dis : mais bon sang, pourquoi elles m'ont fait cette blague ? Sérieux, quoi. Histoire de tester, de brancher elles aussi, de se marrer. De chercher, qui sait. Aussi bien j'étais passé à côté d'une belle occasion. J'aurais pu leur demander qu'elles me déposent à la fin du tunnel au moins. J'avais perdu mes réflexes d'autostopeur pro. En même temps j'avais pas le désir à ça, et puis marcher me faisait du bien. Je gloussais en sourdine, quelle bande de chipies ! Ca me faisait une anecdote haute en couleur qui me tirait de la griserie.

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