extraits de Jean Tardieu

A Toulon, entre la poste centrale et le cinéma d'art et essais - mais il y en a un aussi sur la place de Mûriers (pour une fois la bien nommée) juste à l'entrée du grand Centre Commercial Mayol - il y a ce qu'on appelle les "kiosques" : petits édicules datant des années 20 je pense, vu la décoration en mozaïque très jolie qui les orne.
Là-dedans, tous les matins le libraire d'en face (libraire et disquaire d'occasion) ainsi que ses jeunes collaborateurs, brouettent et transportent à l'aide de diables une masse de bouquins et de CD défraîchis, qu'ils rebrouettent et redéplacent le soir. Il y en a qui restent à l'intérieur, heureusement.
C'est là que j'ai trouvé, pour 6 euros, collection blanche de Gallimard aux feuilles découpées à la main, tendrement recouvert de papier transparent, un bouquin aux couleurs et aux parfums sublimes : un chamois parfaitement homogène pour les pages, une odeur de vieille bibliothèque poussiéreuse qui me ferait monter les larmes aux yeux tant elle évoque le grenier de mes grands-parents.
A l'intérieur, sur la page de garde, d'une écriture arrondie :

3 juillet 1950
Pour l'anniversaire de maman (..en espérant qu'elle prendra le temps de le lire !) ce livre de Giono qu'elle aimera, j'espère
Bien tendrement à toi
Ta petite fille
Annie

Au milieu du livre, une enveloppe blanche doublée de papier bleu, bien jaunie (surtout la colle) :
L' adresse, écriture élégamment penchée, noire, à la plume (je veux dire au porte plume, avec pleins et déliées et petit crachottis) :
Madame L. (je ne mets pas le nom complet par discréditon)

(A l'intérieur sur une feuille de papier coupée en deux visiblement à la main par économie) :
Argenteuil
14 août 1950
(en dessous, un beau dessin d'une japonaise avec éventail, à la plume)

Chère Madame,

J'ai reçu ce matin deux lettres de la Charente Maritime : l'une du "Rayon", l'autre du "Repos".
On pouvait accueillir, dans de bonnes conditions, ma fille dans l'une et l'autre maison.
Mais, dès samedi, j'avais reçu pour Michèle, une invitation familiale pour St Georges de Didonne : c'est décidément dans cette région qu'elle doit passer la fin de ses vacances.
Mais je garde précieusementles les deux adresses pour plus tard et ai remercié les deux Directrices de leur empressement à me répondre et à accueillir ma fille.

A vous j'adresse l'expression de ma reconnaissance pour m'avoir procuré ces adresses et vous envoie mes bonnes amitiés

signé PM......


Le bouquin s'appelle "Les âmes fortes", voici un petit passage pour ne pas oublier l'auteur du livre :
"...
Parfois un aigle tombait du sommet des montagnes comme une pierre vers quelque tache de couleur perdue dans les éteules, au dessus desquelles il freinait subitement en ouvrant ses larges ailes qui claquaient comme des voiles de barques. Il s'éloignait en glissant, puis revenait vers son désir sur lequel les deux femmes le voyaient enfin plonger et s'abattre. Les soupirs des hautes forêts travaillées de vent, les gémissements des arêtes rocheuses, le sourd grondement des gorges, le clapottement des pierrailles décrochées dans quelque éboullis par le passage d'une bête animaient le monde immobile.
..."

oui, là, oui, c'était chouette ton truc, et ça ne pointait ni ne blessait personne.
y avait pas malveillance




mais aussi dans ce que je disais je ne te pointais pas
je ne visais pas une personne particulièrement, mais plutôt un genre de situation

oui, mais la plaisanterie était de celles que j'aime énormément : on peut la prendre aussi bien pour sourire que sérieusement. C'est le cas des quelques exemples que j'ai ajoutés après les tiens.
Cette moquerie-là ne blesse personne, au contraire, elle engage celui auquel elle est adressée à voir les choses de deux points de vue différents, comme les boules de neige engagent à plein de choses très utiles : rire, ne pas se vexer, se baisser, faire la guerre sans faire mal, profiter d'une chose rare etc....

oki. je t'ai envoyé un mail.