on roulait (2)
on roulait, on descendait, on s'enfonçait dans l'étrange moutonnement de collines de l'Alentejo, vers le sud. Le voyage avait déjà pris son identité, à cause des haltes dans ces stations service presque désertes, où les gens étaient si tranquilles, si disponibles, où on s'interrogeait sur les petits pâtés posés derrière la vitrine, où on buvait du café à la fois serré et doux. Elles n'étaient pas comme partout en Europe, ces stations posées au milieu de rien, entre quelques villages se répondant de loin en loin. Il n'y avait pas beaucoup de plastique ni de métal blanc ou rouge, plutôt du bois dans la cafétéria. Après on reprenait la route sous le ciel incertain, mais lumineux. Le relief moutonnant, vert sombre, donnait une idée de pays légendaire, donnait envie d'imaginer des jours et des jours de trajet jusqu'à la mer, jusqu'aux petites villes côtières, petits ports avec leurs remparts et leurs constructions récentes aux volets tous fermés en cette saison. C'était bien d'imaginer les foules du mois d'août dans ces espaces déserts ou presque, devant cette végétation d'hiver, dans ces villes où quelques rares cafés brillaient de quelques guirlandes, silhouettes en manteaux attablées dans la rue. Il y a eu ce fleuve, qui sert de frontière depuis toujours. On est allés tout au bord, une rivière le rejoignait à cette endroit, comme lui charriant un limon brun presque rouge, qui s'était déposé sur leurs rives et brillait au soleil. Il n' y avait pas âme qui vive à cet endroit-là. On regardait le large fleuve, debout à côté de la voiture silencieuse.