les plis dans la vie

par Louis @, dimanche 07 février 2016, 23:13 (il y a 3214 jours)

ma respiration est idéale; les pensées sont pareilles à une eau claire qui se serait délestée de ses souliers et dont la plante des pieds comme celle des nuages glisse rien qu'à l'idée de se poser. ailleurs les fleurs s'ouvrent pour lire leur journal. une porte de bois au fond du jardin fait le café. quelques considérations que j'avais disposées au hasard de ma dernière promenade se rappellent à moi, sévères. je fais semblant de ne pas les voir : je voudrais marcher avec à mes pas l'idée du hasard, non des contraintes. le hasard est le seul arbitraire que j'accepte, puisque ce n'en est pas vraiment un. discours de sots, mais les médisances ne les concernent pas : lorsqu'on parle, ils regardent ; je regarde, je fume : je m'ennuie tout le jour. il arrive que le soleil se couche sur moi comme une amante fatiguée, mais c'est trop peu dire : c'est de moi qu'elle fatigue, et conjure son ennui par une présence plus proche, comme on tente, myope, d'accommoder sa vision en faisant glisser dans l'espace sa pupille comme une olive entre les doigts. les opinions sont comme les plats en sauce, elles accommodent tout. moi qui ne dis jamais rien, les gens finissent par se lasser.

les journées, dans la mémoire, les journées qui valent la peine d'être mémorisées s'ouvrent toujours au milieu d'elles-mêmes. c'est un peu comme aux abords d'une vieille histoire. mais les détails s'accumulent et se ramassent prestement, dans un seul coup d'oeil (qui serait le bon), et qui parle : c'est comme un visage aimé qu'on observe, de son pressentiment jusqu'à l'angle qui vous le donne entier, de la commissure des lèvres aux tâches de rousseur, et les plis au bord des paupières comme un livre pour lequel aurait eu trop d'égards... les journées, donc, se présentent dans le désordre de leurs approches mais avant qu'on ait pu dire : je, elles s'individualisent et retrouvent leur souveraineté. voilà qui rassure chacun quant à l'emploi de son temps; il faut bien une raison pour que ces détails le retrouvent. le principe qui les lie, aucun, même pas un vague souvenir de son corps, qui en est pourtant le dénominateur, mais il n'en est pas besoin. la véritable extraction tient au grain de la lumière : pas celle physique qui change comme les manières qu'a le corps de se fondre dans le lit, avec tout l'etc. des gestes qui l'ont précédé, mais celle surajouté et comme uniforme qui fait, à tous les souvenirs d'une catégorie ainsi fondée, un air de famille.

les week-ends heureux sont des fenêtres ouvertes sur l'infini. le calendrier moderne nous a légué une poésie immense qui voit les bonheurs se tenir par la main, l'un derrière l'autre par les semaines et rimer comme des vers. on peut user de tous les schèmes pour peu qu'on utilise diversement son temps. mais à l'intérieur d'un seul (je ne parle pas des vacances : ce serait trop d'émotion) il y a tout l'espoir qu'on peut ranger dans une vie humaine, et encore plus de joie. (ceci parce que la joie déborde toujours son intention). qu'on excuse ce parler sentimental : je sais qu'aucun individu sérieux ne prendra la peine de me contredire.

il y a donc des amours qui sont comme des week-ends, ou plutôt des week-ends qui, en fait d'amour, demeurent des eucharisties. il n'est rien besoin d'exception ; les bonheurs trop exotiques SOUVENT s'engourdissent devant le sens de leurs propres possibilités, et l'on se contente de se tenir devant le divers des actions, ou dans l'imagination d'une, pendant que l'on consent à une autre. les plus grandes joies sont tranquilles, anonymes comme des petits pavillons de banlieue. on comprend pourquoi tant de gens ne répugnent pas à y vivre (ma poésie a très peu conscience des contraintes socio-économiques). mais ce sont aussi les plus amères. elles scellent la perfection d'une répétition qui se ramasse dans l'harmonie d'une partition bien jouée, bien sue, bien sentie avant d'être laissée, lassée.

heureusement, nous avons les petits désagréments quotidiens. en fait d'imagination, c'est souvent plus que nécessaire. moi-même, je sais qu'il m'est trop souvent arrivé, après une longue journée, ...

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