/première/deuxième chose
je te réponds ici dans ce deuxième pour pas brouiller l'autre qui descendJe suis frappée en te lisant d'une double impression : d'abord d'une colère ("porte qu'on vous ferme au nez ou sur les doigts"), autour de ce que tu as pu développer et proposer comme écoute de l'écriture des autres, et comme traduction de tes ressentis à ce sujet, que tu sens avoir été refusés. Ensuite une évidence : c'est comme si tu disais toi aussi "je traverse la porte fermée en revenant à mes propres fondamentaux". C'est à dire à ce que tu vis en ce moment de passionné, avec tous ces projets et ces collaborations, dans l'énergie commune d'artistes que tu fréquentes au quotidien, et à ce qu'il y a de spécifiquement québécois dans ce qui circule (dis-moi si je me trompe)
de la porte claquée sur les doigts : je crois que c'est plutôt une sorte de dépit, une tristesse mêlée de déceptions — comme je suis plutôt ouverte (je pense) à toutes sortes d'idées et d'états d'être ou de pensées et sentis, ou du moins que je tente de comprendre et d'appréhender autrui dans son mode à lui/elle, j'ai tendance à oublier que les gens ne le sont pas forcément ni tous de la même façon ou pour de mêmes choses; comme je tente de dépasser/repousser mes limites, j'oublie que d'autres ne le peuvent peut-être pas. sans doute la solitude et l'isolement où je me trouve produisent ça, ou bien peut-être que d'avoir grandi seule aura fait en sorte que je ne décode pas certaines limites chez autrui. il me manquera toujours des clés... (par ex: dans le quotidien, je suis incapable de décoder qui m'aime bien, mais à 100% je trouve qui ressent du mépris, comme quoi il me manque un code !!)
ensuite tu me parles de rejet... le rejet est, depuis toujours, une constante qui aura sans doute forgé et ma détermination et ma persistance, je pense qu'à force ça m'est devenu une sorte de repère, un signal fort, qui me dit que je touche ou approche une "zone véritable" ou de véridicité, un territoire du fragile à reconsidérer et/ou à consolider, à traverser, à renverser, en moi-même. d'une certaine manière j'en aurai fait une force, qui m'aura enseigné l'acceptation. ça peut sembler contradictoire mais...
mais j'en arrive au point où je rejette "le père rejet", et où j'avance dans mes acceptations, vers elles. du moins, j'essaie...
c'est compliqué au Qc. pour moi, et c'est dans le sens où les gens commencent à penser et à se préoccuper de choses que je pensais il y a 30 ans... puis dans le milieu de l'écriture, le petit bassin s'emplit de thèseurs universitaires au blabla savant mais souvent vide, des idées sans vécu, sans os, sans nerfs, ou alors, des "auteurs établis" qui regardent de haut, puis des masses d'adultes-adolescents assis voire vautrés dans un retardement et qui commencent à peine à s'articuler ...dans une sorte de poétique exutoire préoccupée de déperdition et la plupart du temps sise dans l'auto-destruction, le pathos ou la masturbation, et le cul...(bon sens, c'est dur ce que je dis là, ça m'attriste) alors, l'interlocuteur est rarissime.. je ne suis pas là-dedans et je n'appartiens pas à tout ça (non plus qu'à la pensée ou l'esprit européen remarque bien..). donc je ne me sens pas du tout proche des "miens" mais loin... c'est pourquoi j'en viens à dire que pour moi le seul socle (ou la seule intersection relativement solide ou stable dans le sens de constance, on va dire) est la langue... c'est pourquoi aussi la plupart du temps je "nage" dans la notion d'estrangement. ( tiens, il y a un peu de cette notion dans le texte de Christophe, et tu vois, c'est là que peut-être j'arriverais à le rejoindre — à force de batailler les mots — mais il n'aurait pas cette patience..)
ensuite : du sas qui se ferme derrière moi : c'est une affaire de transition qui comporte plusieurs dimensions ou composantes, des choses que je me dois de quitter, des "temps donnés" que je me dois de rapatrier, des choses que je n'ai plus besoin de nourrir ou entretenir. c'est un état intérieur clair : la porte se ferme derrière, je passe à autre chose autrement et devant surtout. ce n'est pas dû à une pression qui m'est extérieure, ce n'est pas en réaction à.. non plus. c'est un peu comme ce moment particulier où on sait que le livre est achevé, qu'il est écrit et entier, et qu'on le dépose. je parle de cette sorte de clarté là, qui se place d'elle-même, dans l'être et dans ses actes... c'est un peu comme un bilan : au cours des derniers dix ans j'ai défriché et ouvert plein d'espaces (pour ne pas étouffer), fouillé, tourné, brassé, tassé des choses, éparpillé aussi.. si les corps bruts étaient pour le rassemblement, celui-ci et je ne le comprends que maintenant, en appelait un autre qui est en train de s'amorcer. ayant absorbé et intégré, j'ai besoin de transformer .. je pense que c'est ça... je dois agir.
j'espère que tu me pardonnes ces paragraphes sans raffinement aucun qui s'étirent un peu trop
et je vais revenir probablement pour d'autres aspects que tu abordes, ou juste les laisser là... beaucoup me sont intéressants.
je t'embrasse
c.
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