Reconnaissance
Un existentialiste renommé en son ère avait qualifié les livres de "cercueils". La désignation, aussi provocante apparut elle, comportait une part de vérité. Les contenus des ouvrages, qu'ils s'inspirassent du réel ou relevassent de l'imaginaire, témoignaient du passé. Mais d'un autre côté, les livres poursuivaient une existence propre. Chacun d'eux attendait, à l'exemple de la belle au bocage comateux, qu'un prince opportun les ranime. Et l'occasion se présentait, souvent. Tous les jours en fait. Des milliers de livres renaissaient de part l'attention que des lecteurs leur accordaient. Vous aimiez par avance ces êtres qui consacraient une part de leur temps aux signes disparaissants, perpétuant ainsi leurs vies plurielle. De sorte qu'on pouvait considérer à bon escient ces esprits comme autant de soutiens vivants de la culture, au large et dans les marges d'un ministère de tutelle qui la réduisait à l'art officiel. Et vous réalisiez qu'en définitive chaque mot, chaque phrase, ne disposait de nécessité que celle là qu'ils lui prêteraient un jour. Alors votre cœur s'emplissait d'une immense reconnaissance et d'aucun regret.