ruelle intérieure

par Claire, samedi 26 mars 2016, 18:15 (il y a 3166 jours)

lumière,
petite voix trouvée
derrière le carton d’une journée sans grâce
l'échappée d’une rue étroite
qui descend en tournant
dévide son ombre

vers un quai ou vers une place,
c’est égal.

le sol est toujours malaisé,
les murs toujours irréguliers, trop hauts
pour qu’on voie les jardins
et l’après-midi toujours chaude, silencieuse.

qui marche près de soi
ressent les mêmes choses ?

la rue garderait la mémoire de tous les enfants qui l’ont dévalée
de tous les cris de toutes les pluies
une ouverture
qui se découvre en tournant
en descendant.

on n’est pas encore arrivé
les écailles des murs font des cartes de géographie
de pays que personne n’imagine,
et là-haut
contre le ciel bleu roi
tu vois cet arbre comme un dessin
une encre.

ruelle intérieure

par Nom obstant, samedi 26 mars 2016, 19:34 (il y a 3166 jours) @ Claire

Chouette ! Vivant, ça bouge et coule. J'aime bien.

Ah la rue, que de choses tues elle a à nous dire.

ruelle intérieure

par Rémy @, dimanche 27 mars 2016, 03:06 (il y a 3165 jours) @ Claire

Il faut aller voir Tulle ! C'est tout comme ça. Sauf qu'il n'y fait pas chaud, bien sûr.

[image]
Rue d'alverge 2010

[image]
Rue d'alverge 2016, l'arbre dont tu parles a poussé

ruelle intérieure

par Lectrice :)), lundi 28 mars 2016, 12:38 (il y a 3164 jours) @ Rémy

Superbe Rémy :))

Une de mes Potines est une fanatique des façades :))
Je subis sa passion avec délectation :)) Il y a peu, elle m'a raconté qu'elle s'est levée à 6 plombes du mat' pour photographier une plaque de rue découverte suite au "décrépissage" pour rénovation. Cette ancienne plaque de rue, non ôtée par fainéantise ou autres raisons, allait être supprimée pour l'occasion de cette nouvelle rénovation. La plaque a bien évidemment tout un historique bien à elle :))

Ma période photos a duré des années :))
Des milliers de photos prises: 1 seul thème :)) :)) :))
Je déteste les selfies :)) :)) :))

ruelle intérieure

par Claire, mardi 29 mars 2016, 10:43 (il y a 3163 jours) @ Rémy

j'aimerais pouvoir faire un poème à partir de cette différence qu'on ressent entre tes photos et mon poème, qui dirait la différence entre ressentir le nord et ressentir le sud.

ruelle intérieure

par Rémy @, mardi 29 mars 2016, 12:54 (il y a 3163 jours) @ Claire

Hm Tulle n'est pas non plus du nord... Au nord il fait longtemps froid, les arbres sont nus, et longtemps gris, et souvent ce temps pâteux juste assez froid pour qu'on doive se couvrir mais juste assez chaud pour qu'on soit trop couvert, et puis au nord il y a d'interminables soirs de septembre d'une infinie douceur. Rien de tout ça à Tulle. À Tulle on bascule quotidiennement du froid qui pince au soleil qui tape ; tout dégouline d'une eau dépourvue du moindre minéral (donc qui ne lave pas, une eau qui ravine tout et qui ne purifie rien), mais la bise vous sèche instantanément peau et lèvres ; il ne pleut que trois minutes, mais toujours exactement au moment où on est dehors, et d'une petite pluie froide, fine et plus mouillante qu'un bain de mer ; le soleil ne brille qu'au moment où on prend sa voiture, et vous fait cuire comme un œuf en moins de trois minutes - à moins qu'on se mette à la fenêtre ou sur la terrasse, auquel cas il cogne à en mourir jusqu'à ce qu'on rentre chercher lunettes et chapeau, et quand on ressort il a disparu. À Tulle seuls les couchers de soleil sont beaux, mais menaçants de nuages, et très rapides ; et puis les orages, qui tonnent et tempêtent de l'autre côté mais qui contournent la vallée à cause des courants d'air du microclimat. Tulle est extraordinairement rude et jamais endormie - on y meurt mais on n'y trouve pas de repos.
Au nord la végétation disparaît pendant longtemps et puis explose de tous ses verts au printemps ; au sud elle résiste et s'accroche et survit en se recroquevillant. À Tulle, elle se venge. Elle conquiert la moindre faille et le moindre interstice (et dieu sait qu'il y a à Tulle quantité de failles et d'interstices), les agrandit et fait s'écrouler murs, maisons, terrasses, routes, jardins, escaliers, barrages, ponts et tout. Des glycines indestructibles tordent grilles et portails avec la férocité de l'inexorable, les camélias envahissants engluent tout avril de leurs fleurs pourrissantes, et des ronces inextricables interdisent l'accès aux falaises qui s'effritent pendant qu'une multitude de fougères, mousses et plantes des murailles sapent sans relâche toutes les consolidations qu'on essaie d'y mettre.
Et puis à Tulle, il y a les gens, évidemment. C'est la province française, on a les mêmes à (...). Ils sont merveilleux de ténacité et d'obstination bornée. Et ils vivent dans leur cacaboudin, ils laissent des merdouilles partout, ils font tout a moitié et mal fini, ils n'entretiennent rien, c'est répugnant.

Non non, pour comprendre le nord ou sa différence d'avec le sud, il faut aller ailleurs qu'à Tulle. En Bretagne, peut-être, ou en Belgique. C'est un beau projet, montre-le nous quand il sera fini !

ruelle intérieure

par plouf, dimanche 27 mars 2016, 15:08 (il y a 3165 jours) @ Claire

très tendre, très joli, ca vise juste
bref
j'aime beaucoup

merci

ruelle intérieure

par plouf, dimanche 27 mars 2016, 15:10 (il y a 3165 jours) @ plouf

un peu pour répondre à ton poème j'en profite de poster ici un que j'ai écrit avant hier qui a exactement le même thème


Pendant ces vacances
Tous les jours après manger
je partais à 15h pétante me promener:
d’abord la via Fonseca et ses petits appartements emboités,
avec ses cordes à linge, ses draps,
suspendus au ciel

ensuite les trois escaliers jaunes,
avec ce petit crochet droit au dernier moment
qui menait à l’université

Derrière l’aile littéraire il y avait ce petit parc en cercle que j’aimais bien :
deux bancs, deux arbres, pour s’asseoir en face de quelqu'un
J’y fumais quelques cigarettes en relisant des vers de la veille
Cela les faisait marrer : les étudiants
eux qui venaient seulement pour se cacher et boire leurs bières
comme pour se justifier de leur immobilité qu'ils blasphémaient
sans cesse en réclamant à la vie plus qu'ils n'en faisaient

Puis je reprenais la route, toujours plus loin vers la mer
et ces petites ruelles en zig-zag trop serrés pour que l’on puisse lever la tête
et y lire leur nom,à 17h quand la femme pakistanaise en tunique bleue
remontait le linge de ses frères
et que le vieil étranger du café arabe m’assistait avec son regard fraternel,
avec ces yeux
vides qui portent cette vie en partie achevée
– ce que rêvait d’être la mienne pour ce que cela aurait dit – victoire... conquête !
d'où je visualisais le miracle d'un homme
qui n'aurait pas eu besoin de dormir.

Et ainsi de suite
encore et encore
toujours plus loin
depuis les plus jolies napolitaines de la 7e
jusqu'au plus gros lézard vert
engrossé de la lumière
qui m'attendait au bout
puisque j'y venais

ruelle intérieure

par Claire, mardi 29 mars 2016, 10:41 (il y a 3163 jours) @ plouf

j'aime beaucoup ce texte, on suit ton trajet et tout sonne juste. et derrière les rencontres successives, quelque chose qui se dégage d'un questionnement.
(un peu trop de "petit"?)

ruelle intérieure

par Emil @, lundi 28 mars 2016, 22:03 (il y a 3164 jours) @ Claire

J'aime bien l'évocation de tous ces souvenirs dont cette rue semble porteuse. :)

ruelle intérieure

par Claire, mardi 29 mars 2016, 10:45 (il y a 3163 jours) @ Claire

merci à tous. j'essaie de parler du voyage, ce que c'est d'être en voyage.

ruelle intérieure

par galante, mardi 29 mars 2016, 14:19 (il y a 3163 jours) @ Claire

Je suis allée voir l’immensité
les ruelles blanchies qui se cognent
semées de pavés glissants
mots barricadés dans la tête
nous sommes des éclopés
exclus du monde au point de fuite
jusque dans nos livres


Il ne me reste que quelques jours du sable à la mer
comme les tortues courent à l’eau
comme le chasseur d’éclairs face aux orages
pour écrire un livre
toutes les angoisses sont dans les phrases
dans la manière de décrire une porte
une fenêtre autour desquelles tout s’articule
jusqu’à la perspective d’une mort certaine


Je ne lutterai pas pour devenir poète muet
assise sous le porche d’une voie sans issue
j’ai besoin de ma mémoire
du rose et du noir
du printemps et de l’hiver
de laisser couler mes pensées à écriture haute
comme le vent forme la tempête
le faisant tomber dans le piège
pour devenir vivante
l’écriture n’est pas une protection
on peut mourir quand s’évadent les pensées
alors que s’écartent les barreaux

ruelle intérieure

par Claire, samedi 02 avril 2016, 13:09 (il y a 3159 jours) @ galante

c'est un beau poème, merci de l'avoir posté ici. Il parle lui aussi de cette "trouée" que j'essayais d'évoquer.