ruelle intérieure

par Rémy @, mardi 29 mars 2016, 12:54 (il y a 3163 jours) @ Claire

Hm Tulle n'est pas non plus du nord... Au nord il fait longtemps froid, les arbres sont nus, et longtemps gris, et souvent ce temps pâteux juste assez froid pour qu'on doive se couvrir mais juste assez chaud pour qu'on soit trop couvert, et puis au nord il y a d'interminables soirs de septembre d'une infinie douceur. Rien de tout ça à Tulle. À Tulle on bascule quotidiennement du froid qui pince au soleil qui tape ; tout dégouline d'une eau dépourvue du moindre minéral (donc qui ne lave pas, une eau qui ravine tout et qui ne purifie rien), mais la bise vous sèche instantanément peau et lèvres ; il ne pleut que trois minutes, mais toujours exactement au moment où on est dehors, et d'une petite pluie froide, fine et plus mouillante qu'un bain de mer ; le soleil ne brille qu'au moment où on prend sa voiture, et vous fait cuire comme un œuf en moins de trois minutes - à moins qu'on se mette à la fenêtre ou sur la terrasse, auquel cas il cogne à en mourir jusqu'à ce qu'on rentre chercher lunettes et chapeau, et quand on ressort il a disparu. À Tulle seuls les couchers de soleil sont beaux, mais menaçants de nuages, et très rapides ; et puis les orages, qui tonnent et tempêtent de l'autre côté mais qui contournent la vallée à cause des courants d'air du microclimat. Tulle est extraordinairement rude et jamais endormie - on y meurt mais on n'y trouve pas de repos.
Au nord la végétation disparaît pendant longtemps et puis explose de tous ses verts au printemps ; au sud elle résiste et s'accroche et survit en se recroquevillant. À Tulle, elle se venge. Elle conquiert la moindre faille et le moindre interstice (et dieu sait qu'il y a à Tulle quantité de failles et d'interstices), les agrandit et fait s'écrouler murs, maisons, terrasses, routes, jardins, escaliers, barrages, ponts et tout. Des glycines indestructibles tordent grilles et portails avec la férocité de l'inexorable, les camélias envahissants engluent tout avril de leurs fleurs pourrissantes, et des ronces inextricables interdisent l'accès aux falaises qui s'effritent pendant qu'une multitude de fougères, mousses et plantes des murailles sapent sans relâche toutes les consolidations qu'on essaie d'y mettre.
Et puis à Tulle, il y a les gens, évidemment. C'est la province française, on a les mêmes à (...). Ils sont merveilleux de ténacité et d'obstination bornée. Et ils vivent dans leur cacaboudin, ils laissent des merdouilles partout, ils font tout a moitié et mal fini, ils n'entretiennent rien, c'est répugnant.

Non non, pour comprendre le nord ou sa différence d'avec le sud, il faut aller ailleurs qu'à Tulle. En Bretagne, peut-être, ou en Belgique. C'est un beau projet, montre-le nous quand il sera fini !

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