Vous aurez beau

par Écrire, mardi 05 avril 2016, 22:33 (il y a 3155 jours)

Même lorsque votre exception sera devenue la norme, vous demeurerez tributaire de cette origine d'appellation incontrôlée. Vous serez toujours de trop, partout, quelle que soit l'heure, le menu et la musique. Un fraudeur né. Vous aurez beau disposer de papiers en règle, de vaccinations à jour, de titres de transports idoines et validés, de lettres d'introduction, d'actes notariés, de certificats d'aptitudes, d'un passeport tamponné, d'une tenue adéquate, d'une coupe de cheveux canonique, d'un carnet de santé, d'un comportement irréprochable, d'un ticket de caisse, d'une carte de séjour, d'un permis de conduire, de construire et de tirer, d'une convocation officielle, d'un obligé dans les hautes sphères et d'une taupe chez les égoutiers. Vous aurez beau payer votre loyer et acquitter vos impôts. Vous aurez beau jouer des pieds, des mains, de la mandoline. Vous aurez beau. Vous aurez beau.

Vous serez fait.

Excellent

par zeio, mercredi 06 avril 2016, 00:24 (il y a 3155 jours) @ Écrire

et riche d'implications.

Excellent

par Écrire, mercredi 06 avril 2016, 20:44 (il y a 3155 jours) @ zeio

C'était une bonne veine. Je maîtrisai et en même temps, "je était" dépassé. Merci Zeio.

Excellent

par zeio, jeudi 07 avril 2016, 00:01 (il y a 3154 jours) @ Écrire

Je trouve que le texte est riche en implications, en possibilités, en dépliages. On pourrait penser à tous les éclopés de la vie, ceux qui ont tiré la mauvaise carte dès le départ. On peut penser aussi à tous les relégués, réfugiés, à "l'origine incontrôlée" du moins qui est perçue comme telle. Finalement je me dis qu'il peut toucher à quelque chose de plus large que ça, qui se rapproche de la condition de l'homme et surtout de son absurdité. Chacun est "fait", même les nantis, qui arrivent dans "ce monde où nous venons pour mourir" (comme le disait Sôseki). Une fois cette imposante pilule avalée, il reste une promesse de dépassement. Une fois qu'on a saisi que nous étions, de toute façon, "faits", il est temps peut-être de commencer à vivre, en lieu et place de seulement essayer. C'est ce que le texte me raconte.

Excellent

par Ecrire, jeudi 07 avril 2016, 09:46 (il y a 3154 jours) @ zeio

"Chacun est "fait", même les nantis"

Oui. C'est on ne peut plus juste.

"il est temps temps peut-être de commencer à vivre, en lieu et place de seulement essayer".

Oui. Il semble qu'il y a eu des époques ou vivre n'était pas une question, mais une condition. Du moins pour un certains nombre de gens, qui n'étaient pas encore des individus.

Aujourd'hui c'est une question que chacun est tenu de régler pour et par soi-même, y compris en la fuyant dans les réponses toutes faites.

Vous aurez beau

par Claire, mercredi 06 avril 2016, 11:17 (il y a 3155 jours) @ Écrire

la première phrase est essentielle (c'est le cas de le dire), et répond à la dernière avec beaucoup de force.


...je rêvais mollement autour du titre, de ce "beau", si particulier dans cette expression. C'est assez troublant si on y réfléchit, un peu comme la beauté des combats perdus d'avance.

Vous aurez beau

par Écrire, mercredi 06 avril 2016, 21:00 (il y a 3155 jours) @ Claire

"Vous aurez beau faire, Monsieur, dit la jolie marquise, vous n'aurez jamais mon cœur ! .... - je ne visais pas si haut, Madame ! "

Vous aurez beau

par Claire, mercredi 06 avril 2016, 21:03 (il y a 3155 jours) @ Écrire

il n'y avait pas d'ironie dans mon commentaire, Ecrire, au contraire. J'étais frappée de la concision de ce constat, auquel je crois aussi.

Vous aurez beau

par Claire, mercredi 06 avril 2016, 21:06 (il y a 3155 jours) @ Claire

le "mollement" était un écho au "mol" dont tu qualifiais ce que je disais plus bas du rêve de l'enfant à naître. Je regrette ce que j'ai dit à ce sujet.

Vous aurez beau

par Écrire, mercredi 06 avril 2016, 22:00 (il y a 3155 jours) @ Claire

Je viens de voir "Le fils de Saul". Une étincelle de vie au milieu des cendres.

Vous aurez beau

par Écrire, mercredi 06 avril 2016, 21:36 (il y a 3155 jours) @ Claire

Sois rassurée, Claire, je n'ai pas perçu d'ironie dans ton propos. Merci pour ton commentaire.