Temps errés
et...marcher et tenir — re/tenir
[ et on entendrait une voix limpide jaillir d'entre deux choeurs noirs et discordant ]
marcher comme ces arbres marchent dans l’apparente immobilité des choses, marche et deviens ce dépouillement lent des noms gravés dans ta chair, des mots étrangers à ton sang, de la langue qui n’est pas la fibre même de tes organes; des armes déployées ouvertes que tu tendais au monde des ciels pensés, hauteurs hallucinées, le méta surhumain du vide, l’abstraction maîtresse de toute destruction, marche comme laisser choir, encore
pensées peaux, pelures des autres, rages fourrures, écailles à pleurer longuement sur le monde, des pluies rudes, tombent tombent parmi tes sentiers rutilants, constellations d’espaces vécus où culminent mille et mille soleils, ils se tournent à ton passage et te contemplent, roi de vivance dans ton propre arbre, corps véritable. comme un seul soleil t’absorbe noir plus que le coeur métal, plus que la noirceur noire de mouches, nuits de toute chose, douleurs et putrescence, tu t’y délites cent fois et y renais cent fois car la mort vraie est sans mémoire ni reflets des feux luxuriant des êtres, où aimer. et vois, encore
ô nos soleils, denrées rares, lumière de, quelques éclats entre les dents, joies sauvages et rugueuses, animaux délicats des jouir, salives et ajoures rieurs ou figurations des couteaux transcendants, encoches et pointes de flèches rompues nettes sur ta paroles, quelques quartz très anciens ou de translucides silex parce que les entailles se souviennent. si dans tes rétines les couleurs semblent se noyer elles incubent un numineux fomenté depuis ton nom, et ton âme, un rien de ce geste oblong, désinvolte et suspendu, l’appelle comme de l’or brillant et vert. déshabille-toi sur sa seule voix.
au monde, yeux lavés des opprobres et des reproches, les bras nus dans le vaste mouvement de l’embrassement, sois comme au premier jour, sois ta première apparition. et debout parmi tes morts, sois plus vif qu’elles toutes, car nulles n’ont tes chants tenu dans leurs nuits où elles, vautrées et veules, incarnations des plaintes et stridences, mirages sirènes désirantes à te regarder succomber, ne te peuvent mourir jamais.
les taire, remplir toutes leurs bouches de leurs propres décombres à ravaler, d’humus, d’olives et d’huiles, pile comme passer à d’autres ciels, d’autres lumières autres, vivants feux d’êtres, pulpes chaudes, et alors, que ton chant s’élève au-dessus des brumes et brouillards des leurres gourds, que ton chant monte et transperce ta propre voix, et libérée enfin puisse-t-elle, ruban vibrant et habité, ambre liquide de ton seul souffle, faire résonner tes mondes dans l’exacte lumière de ton nom.
texte publié dans la revue papier Fr. Les Citadelles nº19, 2014
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