retrouvailles

par julien, samedi 09 avril 2016, 14:00 (il y a 3152 jours)

Depuis combien de temps n’ai-je pas remis les pieds dans la vieille ville ? Les images qui me reviennent sont celles de mes années d’études – il y a donc une quinzaine d’années. Tout est à l’identique : les ruelles pavées, les murs noirs, les maisons anciennes de carte postale. Encore plus de restaurants qu’avant, il me semble, même si la chose paraît incroyable. Je reviens ici pour la première fois depuis tout ce temps, et mes souvenirs repassent avec moi. Qu’est-ce qui a changé ? Rien, semble-t-il, et pas moi. Des évènements entre ce je d’antan et celui d’aujourd’hui ont certes pris place, encombrant à la manière d’objets qui traînent dans un couloir. Ils me gênent, comme un voile, une taie entre hier et aujourd’hui, empêchant l’un et l’autre de se rejoindre tout à fait. Je marche comme un revenant, j’erre comme l’âme qui a quitté le corps du mourant. Je quadrille le quartier, sans but. J’ai pourtant continué à habiter à quelques kilomètres de là depuis lors ; mais quoi de plus distant que deux secteurs éloignés d’une même ville ? Je connaîtrai le bout du monde avant telle rue de ma ville où je ne suis pas près de mettre les pieds. Mon errance fait corps avec ma rêverie. A un moment, je passe devant la terrasse d’un café où je reconnais un ami de jeunesse. Il a changé, grossi, pris un sacré coup de vieux. Il me regarde passer sans me voir, ombre parmi les dizaines d’autres qui encombrent la rue. Il ne se souvient pas, à moins que la fumée de sa cigarette ne fasse un mur de brouillard entre nous, à l’image de celui du temps – infranchissable. Je pourrais aller vers lui, me présenter, qu’il se rappelle, me reconnaisse. Nous nous taperions dans le dos, stupéfaits et contents, boirions une bière ensemble, raconterions tout ce avec quoi nous avons rempli ce temps qui désormais nous sépare dans le présent ; peut-être même que nous programmerions une autre bière commune sur nos agendas... Mais à quoi bon ? Je dépasse la terrasse sans m’appesantir sur ce qui a déjà été, nostalgique et toutefois sans regret. Plus tard, la pluie se met à tomber. Elle ne figure pourtant pas dans mes souvenirs. Les pavés de la vieille ville luisent aujourd’hui d’une lumière froide.

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