Le motif dans le tapis

par Ramm77 @, mercredi 01 octobre 2014, 16:14 (il y a 3709 jours)

Le motif dans le tapis

Emily fait sa gymnastique dans le lit. Le bol de café est brûlant au bout des doigts. Chantal mange le croissant chaud de Roger. Le jour se lève lentement. Tourner les pages d’un livre difficile est chaque fois une victoire. Une pièce des nouvelles fenêtres est déjà défaillante. As-t-il fait beau hier pour fêter l’anniversaire de l’enfant au jardin public ? La chatte se frotte aux mollets des gens quand elle a faim.
Pour une dernière fois regardons bien les choses ici, pense Rémi.
Les derniers films de Fellini sont de longs discours d’images. Un insecte non identifié, dans la nuit, a couru sur la main de Thomas. Les plantes et fleurs dans la jardinière sont complètement cuites par le soleil.
Les femmes ont trop de tendresse, se dit Rémi, préparant son sac.
Les piles sur le chargeur maintenant sont rechargées. C’est aujourd’hui que le gardien doit reprendre son travail. Le croissant chaud que mange Chantal est-il vraiment un croissant ?
Une lumière douce enveloppe tellement tous mes objets familiers.
7h48 : une silhouette marche dans le parc. Roger se refuse à balader ses mains sur lui. En Kabylie, les terroristes ont décapité Hervé Gourdel. Le stylo encre est plus agréable que le stylo bille. Dans l’immeuble, les bruits se font plus distincts au fur et mesure de la matinée. L’émotion du président est sincère quand il évoque la mort de Hervé Gourdel. L’écran d’ordinateur illumine la nuit. Au troisième jour il est préférable de changer de slip.
Là-bas, rien ne sera plus comme ici.
Le sapin se dresse au milieu du massif, sans bouger, son immobilité est fantastique. Les pilotes de ligne, après quatorze jours de grève, ont repris leur travail, sans avoir obtenu satisfaction. Le décolleté de la femme de le Maison de la Presse est plongeant.
Il est vraiment tant de partir. A quelle heure est mon avion pour Ankara ?
Lire les Témoignages de Charles Reznikoff est une tâche nécessaire et urgente. Jules aimerait se pincer en écrivant, il remet ce moment à plus tard. Les fleurs jaunes dans le pot sont de plus en plus épanouis à 8h22. Un fauteuil directorial à roulettes roulent sur un parquet flottant.
Dans mon sac de voyage, le minimum d’affaires. Pas d’objet contondant, pas de spray, pas de bombe.
Sucer un bonbon à la menthe sans sucre est tout de suite indispensable. Il faudra photographier les bijoux avant de les mettre en vente. Suite aux dernières élections le Sénat a basculé à droite.
Je me rase, me coiffe proprement, m’habille normalement.
La femme de la Maison de la Presse est montée sur un escabeau trop haut. Combien de phrases et de pages peut-on écrire avec une cartouche de stylo encre Waterman Intense Black Ink ? Les musiciens de jazz cessent leur concert à 18h30. Dimanche a été gris contrairement aux prévisions de la météo.
Vite, foutre le camp d’ici en catimini !
Il semble que les fleurs jaunes dans le pot ont poussé de quelques centimètres. Roger adore montrer son croissant chaud à Chantal.
Un appareil photo ne me sera plus utile.
La cime des feuilles des arbres comme unique horizon. Hubert, sans le reconnaître, attend impatiemment une réponse à ses mails envoyés.
Surtout emporter aucun livre, même le plus important.
Dans la salle de bain, la voix d’un homme, alors que Juliette se nettoie. Il faut remettre les piles dans le boitier pour photographier les bijoux.
Je ne sais plus comment je m’appelle. Mes papiers sont-ils en règle ?
La voix dans la salle de bain, c’est une radio. Une camionnette à la carrosserie blanche passe à vitesse lente derrière les tronc d’arbres sombres. Si un matin, Rolande met une main entre les jambes de Jacques, il a de quoi la remplir. Un artiste comique invité à la télévision ne fait rire personne, l’animateur s’est trompé sur le talent de l’artiste. Il n’y a plus que la description minutieuse des faits quand tout se dérobe.
Cette société là est une vie de merde !
Une nouvelle irruption du Mont Fuji provoque des dizaines de victimes. Les alentours sont splendides recouverts d’un linceul de cendre. Les baisers d’Emily ont un goût de dentifrice.
Garder mon froid en toutes occasions. Le plus mauvais ce sont les tempêtes de sable, il paraît.
Le soleil se reflète intensément dans les vitres de l’immeuble. Jules doit aller voir « Winter Sleep » parce que Nadia lui a recommandé d’aller voir « Winter Sleep ». Un garçon moustachu porte deux sacs Ikea en plastique et une échelle.
Au bout d’un moment, on ne peut plus se passer de l’entraînement physique. Endurance, force, vitesse, agilité.
Le ministre répète qu’une enquête est en cours pour retrouver les terroristes. Le chat a renversé un pot de terre sur le tapis.
Des passeurs me feront franchir la frontière.
Les avions décollant de l’aéroport clignotent dans la nuit. Emily branche l’aspirateur pour nettoyer la terre sur le tapis. La radio diffuse un programme sur l’empirisme et le rationalisme. La femme de la Maison de la Presse sur l’escabeau dit à Jules « Vous n’êtes pas obligé de me sentir les fesses ».
Tous les cailloux dans le désert sont des refuges.
Une autre femme en pantalon ouvre précautionneusement la serrure de sa voiture rouge sur le parking. Quand quelqu’un vient chez vous, on n’est plus chez soi.
Apprendre à purifier l’eau pour survivre. Riz, pain et thé seront maintenant mon quotidien.
Il faut plusieurs jours avant que le trafic aérien soit à la normale. Emily retrouve le sourire. Une voisine bavarde se fait attendre. Emily parle doucement à sa chatte en la caressant. Jeter des détritus de melon dans un sac de poussière est réjouissant. Riton durant sa sieste ne ferme jamais la porte. Le jus du melon absorbe goulument la poussière.
Le douanier regarde Rémi. Le portique électronique ne sonne pas. Un homme barbu en turban demande qu’on le suive. La température au sol aujourd’hui est de 42° Celsius.

Le motif dans le tapis

par Ecrire, mercredi 01 octobre 2014, 17:29 (il y a 3709 jours) @ Ramm77

"Il n’y a plus que la description minutieuse des faits quand tout se dérobe."

J'ai tiré ce fil. Le motif est invisible, si l'on entend par là une vue d'ensemble. Il n'y a pas d'ensemble, juste une juxtaposition de points de vue partiels qui se parasitent mutuellement. Cela créé un malaise, certainement voulu par l'auteur, qui choisi un titre en forme de défi impossible à relever.

(message et ses réponses effacés sur demande)

par Anonyme, mercredi 01 octobre 2014, 20:54 (il y a 3709 jours) @ Ecrire

(et puis, comme par mracle, réapparus !)

par ..., jeudi 02 octobre 2014, 17:30 (il y a 3708 jours) @ Anonyme

Ca disait en gros : « Tiens revoilà le faux cul Jean-Michel, qui du haut de son silence vaniteux et comique tant il est caricatural, se met à draguer en bon mutique ridicule les quelques greluches éprises de libertés sclérosantes et ennuyeuses dont notre Bayonnaise forme un parfait exemple ».

perseverare diabolicum

par Claire @, jeudi 02 octobre 2014, 19:52 (il y a 3708 jours) @ Anonyme

Tu es en train de te couvrir à nouveau de ridicule, Florian.

perseverare diabolicum

par Ramm77 @, vendredi 03 octobre 2014, 11:23 (il y a 3707 jours) @ Claire

En effet bizarre ce Florian. Qu’est-ce que ça t’apporte de "commenter" ainsi ? C’est facile de profiter de l’anonymat de la toile pour se moquer ainsi. Le site n’est pas un u un torchon pour te défouler à bon compte.

Le motif dans le tapis

par cat, jeudi 02 octobre 2014, 01:53 (il y a 3709 jours) @ Ramm77

awwha que c'est déroutant ces actes quotidiens, faits, pensées, le tout au même plan, mélangé à ça le banal et le grave, l'un et l'autre traité de manière égale, ça donne une espèce de nausée.. ha, il faut que je te dise, dans ma première lecture j'ai eu l'impression de lire le scénario d'un film genre Goddard trash...et la voix qui est venue ..c'est celle de Jean-Pierre Léaud.

Le motif dans le tapis

par VeM, jeudi 02 octobre 2014, 09:44 (il y a 3708 jours) @ cat

Ha ha cat! la voix de Léaud sur du Godard trash ... :-)

(Tu vois que toi aussi tu ne peux t'empêcher de faire des rapprochements comparaisons avec notre fonds culturel commun)


Vous connaissez p't'être pas au Québec Patrick Brion, voix off du "cinéma de minuit", ça le ferait aussi

http://www.dailymotion.com/video/x1547s_cinema-de-minuit-premier-generique_shortfilms

Le motif dans le tapis

par 'trine, jeudi 02 octobre 2014, 15:17 (il y a 3708 jours) @ VeM

lol mais j'ai pas voulu, c'est arrivé, ça a poppé dans ma téte
ce que je veux dire c'est que je ne cherche pas ça, je ne recherche jamais ça
et normalement j'écarte même ce genre de lien "naturel"





p.s. le titre place tout dans ce texte, finalement, bien qu'il joue,
l'émotif dans le tapis, au ras, écrasé, nul - exactement

Le motif dans le tapis

par Ramm77 @, vendredi 03 octobre 2014, 11:34 (il y a 3707 jours) @ VeM

Godard, Léaud, oui il a un peu de ça. La distanciation, le nivellement, le spectateur,le lecteur se fait son film... Toutefois le scénar est construit,il mène quelque part si on se laisse conduire. Merci pour vos commentaires enrichissants.

Le motif dans le tapis

par Kel, dimanche 05 octobre 2014, 14:14 (il y a 3705 jours) @ Ramm77

Il y a une trame oui, mais le texte est ainsi que comme tu dis on peut se faire son propre film. J'y vois - j'y entends - aussi une improvisation musicale, de jazz, avec ces morceaux qui s'assemblent se désassemblent. Me fait kiffer...

Le motif dans le tapis

par Kel, jeudi 02 octobre 2014, 10:52 (il y a 3708 jours) @ Ramm77

Enigmatique. Un brin affolant. J'apprécie toujours autant cette prose hallucinante où s'égare l'entendement.

Le motif dans le tapis

par Ramm77 @, vendredi 03 octobre 2014, 09:12 (il y a 3707 jours) @ Kel

Je réponds particulièrement à "Ecrire" qui prétend qu’il n’y pas de motif dans le tapis. C’est celui de Rémi,le seul personnage qui dit "je". Il se prépare à partir pour Ankara.On le retrouve à la fin du texte passant la douane, un homme en turban demande qu’on le suive...peut-être vers le désert ou le Djiad... le tapis est persan, percé, perçant... Rémi dit merde à cette société... Sujet brûlant d’actualité hélas !

Le motif dans le tapis

par Claire @, vendredi 03 octobre 2014, 11:16 (il y a 3707 jours) @ Ramm77

oui, mais je vois un autre motif se détacher dans le tapis: au milieu de la juxtaposition assez exténuante, froide, des informations, des diktats et des petits faits quotidiens, quelques courtes phrases mystérieuses et lyriques, sans objet.
(la prière ?)