Une histoire de mains

par Celine 1946 @, mercredi 18 mai 2016, 19:44 (il y a 3113 jours)

Une histoire de mains



Quand la pluie diluvienne cesse, quel silence !
Les doigts caressent longuement d’autres doigts.
Claude s’interdit de regarder ailleurs que dans les yeux de Prisca.
Du bout des doigts, Bénédicte compte, avec lenteur, les grains de sa peau.
Pascal change de position pour réunifier pensée et sensation.
Tous s’efforcent quand même de rester à distance, sauf les mains qui travaillent tactilement.
Dans une supérette du quartier, on laisse un SDF feuilleter librement le journal, sur le présentoir.
« Liberté » est un mot qu’on affuble des parures les plus extravagantes.
On peut admettre alors que c’est le vêtement qui crée la forme.
A l’âge de soixante ans, Claude s’étonne qu’on l’appelle « monsieur ».
C’est qu’il se soupèse machinalement le sac à sperme, chaque matin, pour s’assurer qu’il existe.
Sur le petit nez de Bénédicte, il écrase son corps lourdaud.
Quand la pluie diluvienne cesse, dans le regard des vieux, on pourrait lire comme le désarroi démuni d’un enfant.
A Bruxelles, un attentat terroriste fait trente quatre morts.
Prisca, Claude, Bénédicte, Pascal, parlent poésie à table, en mangeant des rouleaux de printemps.
Béranger est un acteur. Il porte la ceinture de cuir de son personnage, à la scène comme à la ville.
Bien sûr chaque peignoir habille une nudité.
Dans la rue, une femme gravement handicapée, s’appuie contre le poteau électrique.
Si un enfant la regarde en souriant, elle s’oblige à sourire.
Les humains s’irritent souvent quand leurs machines grincent.
Avant leur départ précipité, Avigdor et Larbi s’échangent une longue et chaleureuse poignée de mains.
Les pluies diluviennes peuvent recommencer.

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