Théo

par Vagabond vagabondant, vendredi 27 mai 2016, 23:29 (il y a 3103 jours)

Théo


Bruits de la ville, et si nous marchions
avec l'ami à vos âpres draps, si durs, si bétonneux, et si
toutes vos beautés étaient comprises
à cette marche lente comme une migration, un chant
au hasard des saisons. Mon ami
je te retrouve chaque mois, tu épouses
ce tournis de la ville, cette ivresse chaleureuse, au long des veines, mon ami
le silence seul perdure en nous
un recueillement auquel tend l'oreille : et l'on parle, et l'on clame, et l'on rit
on expire
ce qui ne se murmure : tu as ce rêve égaré, que tu ne sais plus, que je sais,
ce doute, devenu maintenant désoeuvré,
et tu racontes comme nous errons, tu racontes...

tu ne pleureras pas...

j'entends.

Mon ami, nous marchons, et les bruits de la ville
et cette histoire me submergent, j'eus ce rêve moi aussi, tu le sais,
belle, elle était belle, d'une beauté triste, le sourire
était tragique et la joie assourdie. Un brouillard nous enserre.

Tu écoutes, je ne pleurerai pas : le ciel est de saison,
et la houle de soie tombe, il fait nuit,
je n'ai pas vu les choses sombrer, jamais, je n'ai jamais rien vu.

pressenti

par les bruits de la ville mon âme s'évanouir
seule et blanche, revenir ces deuils innés, et toujours renaissants, ces marées.
Mon ami, tu es là, comme une route vers soi,
une route bien haute, architecturée,
une route abstraite, une route terrestre,
oh l'allégresse est dure, tu es là, la respires, et les gauloiseries
finissent par fumer à la terrasse,
l'odeur du vin chatouille la poitrine. La douleur se précipite ailleurs,
une averse passée.
Mon ami, asseyons-nous, parmi les bruits de la ville,
agenouillés pour l'éclat des petites choses,
pour l'avenir, le souvenir que nous en aurons
c'est Paris, c'est Stockholm, c'est Florence,
ce sont les chemins insoucieux, les jubilations qui déchirent les vents
les eaux affluent sauvages et calmes, sur les routes qui grimpent les buildings
comme un ruban magique
mon ami nous rêvons, ah!
nous rêvions...

rentrons maintenant.

Fanny

par Vagabond vagabondant, samedi 28 mai 2016, 12:48 (il y a 3103 jours) @ Vagabond vagabondant

Fanny


Oui, drôles sont les pays que borde l'enfance,
le corps souvenu, sa vigueur, ce rêve où l'on glisse sur l'herbe
sans rien sentir que le retentissement, le souffle et les parfums
gazon tondu. Drôle la poésie
sans nostalgie qui périt sans périr où se perdent
au bord du parc, d'échos et d'odeurs, le garçon et la fille. Je ne sais plus
si l'on riait ou si, dans le plus grand sérieux,
l'on se tuait à la tâche, à la plénitude des gestes : jouer. Les corps rincés
par la joie, la rosée et le ciel, sous les yeux de nos mères, égarées, adultes, Fanny,
sous les nuages et les cris, près des bêtes qu'on ignorait
et qui parfois nous saisissaient, nous courrions ; on honnissait
les promenades ; on hennissait, brusques
chevaux, les tendresses qu'on savait alors quand on se chamaillait.
Nous courrions. Longions les grilles, je grimpais
vers les piques, vers le soleil. Crac. Homme, je chutais. De mon genou blessé, Fanny,
de ta robe terreuse, nos bras entrechoqués par les danses, les fictions,
par l'espace grand ouvert de la vie, l'on ne s'occupait : nous courrions. Et le tonneau, rouleur,
grondeur, de bois,
près de la toile d'araignée, faisait rouler, gronder les dieux des bois,
nous éjectait dans la rosée, qui s'asséchait : Midi sonne, je pleure, et pour me consoler
tu me cueilles des fleurs.