L'accident
Jusqu'à ce jour d'août, je ne connaissais le terme "sidération" que sous un angle exclusivement livresque et pour ainsi dire, décontracté. Nous n'avions pas été présentés charnellement. Un précédent aurait néanmoins pu se produire quelques décades auparavant. Un après-midi en sortant de l'école, un bolide m'avait arraché mon cartable et l'avait déposé 300 mètres plus loin. L'événement s'était produit si vite que je n'avais pas même eu le loisir d'être médusé. La mort m'avait donné un baise main avant de tracer la route. Après quoi, j'avais glané mes fournitures scolaires par ci par là sur la chaussée, tel un Petit Poucet insouciant. Rentré dans mes foyers, je m'étais gardé d'ébruiter ma mésaventure. Par la suite, j'avais remisé ce silence dans un recoin de mémoire, au point de l'oublier. Je crois bien avoir perpétué la discrétion jusqu'à la publication de ces lignes.
Quelques semaines plus tard, un garçon avait été renversé sur l'avenue de la Paix, à peu près à l'endroit où j'avais retrouvé mon sac. Un attroupement s'était formé autour du corps. Je m'y joignais. Le choc n'avait eu aucune conséquence sur l'apparence de la victime, si ce n'est que ses jambes, ses cuisses, ses bras, son visage s'étoilaient de gouttes de sang. Des myriades de bulles écarlates qui luisaient doucement sous le soleil printanier. Les yeux de l'enfant, obstinément fixes, semblaient fascinés par un aperçu extraordinaire.
Les gens parlaient gravement, à voix basse. Au milieu de ce trouble culminait ma ressemblance avec le cadavre. Elle était frappante et pointilleuse, jusque dans le détail de l'habillement. Cette jeunesse était mon portrait tout "crashé". Je n'éprouvais aucune inquiétude, au contraire. Je me sentais léger, comme excusé d'une existence. En rentrant chez moi, je trouvais ma mère en pleurs, les traits ravagés par l'angoisse. Un témoin du drame l'avait averti et ne me voyant pas rentrer, elle se désespérait. En m'apercevant, elle se figea, puis me parla comme si elle invoquait un revenant. Je lui répondis. Elle me cru. J'étais vivant.
Quelques semaines plus tard, un garçon avait été renversé sur l'avenue de la Paix, à peu près à l'endroit où j'avais retrouvé mon sac. Un attroupement s'était formé autour du corps. Je m'y joignais. Le choc n'avait eu aucune conséquence sur l'apparence de la victime, si ce n'est que ses jambes, ses cuisses, ses bras, son visage s'étoilaient de gouttes de sang. Des myriades de bulles écarlates qui luisaient doucement sous le soleil printanier. Les yeux de l'enfant, obstinément fixes, semblaient fascinés par un aperçu extraordinaire.
Les gens parlaient gravement, à voix basse. Au milieu de ce trouble culminait ma ressemblance avec le cadavre. Elle était frappante et pointilleuse, jusque dans le détail de l'habillement. Cette jeunesse était mon portrait tout "crashé". Je n'éprouvais aucune inquiétude, au contraire. Je me sentais léger, comme excusé d'une existence. En rentrant chez moi, je trouvais ma mère en pleurs, les traits ravagés par l'angoisse. Un témoin du drame l'avait averti et ne me voyant pas rentrer, elle se désespérait. En m'apercevant, elle se figea, puis me parla comme si elle invoquait un revenant. Je lui répondis. Elle me cru. J'étais vivant.