Conversation entre les arbres

Conversation entre les arbres

Mr Simson se priverait de manger
Pour écrire une bonne phrase. Oui, oui.
Mais il se demande toujours pourquoi,
Il y a le mot « échafaud » dans échafaudage ?
Heureusement la vie est belle,
Observée à travers les feuillages.
Un vieillard, là-bas, marche lentement
Sous la pluie, comme s’il ne pleuvait pas.
De près on ne sait pas où on va. Mais de loin,
Les incertitudes ressemblent à un parcours.
Chacune des phrases de Mr Simson
Est suivie d’un silence pâteux,
Car elle abuse de la situation.
Qu’en pensez-vous ?
Aujourd’hui, c’est le présent,
Il doit remplir toute la journée. Ouf !
Les personnages vont tous s’abandonner,
Même si la loi interdit les abandons.
Un homme sent bon encore,
Juste avant sa mort, précise une connaisseuse.
Elle dit aussi, que les maîtres, en dehors
De leur fonction, ne sont plus les maîtres.
Le néant se cache partout pour mieux nous hanter,
Et Mr Simson n’ose pas avouer que « l’empêchement »
Est le maître mot qui remplit sa vie.
Il regarde dans la rue une femme
Marcher très vite. Elle peut aller
Très loin ainsi à petits pas.
La connaisseuse remarque que le vert
De la pelouse est plus tendre
Autour du vert sombre de l’épicéa.
Un bonhomme, à l’étal de l’épicier,
Prend un temps infini, pour
Se choisir une belle banane,
Tandis que c’est une femme fluette
Qui pilote l’énorme tondeuse municipale.
L’insistance des gens à vous considérer
Dans ce que vous n’êtes plus est inadmissible,
Et avoir le courage de ses rêves,
C’est risquer fort que la réalité devienne cauchemar,
Insiste Mr Simson en face de la connaisseuse.
Dans un bac de congélation,
La main d’une cliente fût, un jour,
Tranchée par la porte-glissière.
La main tomba mais elle se conserva bien.
Une habitude qui prend fin,
Devient aussitôt extraordinaire.
Un orage éclate.
Le pépiement des oiseaux rivalise
Avec les tirades des acteurs sur leurs tréteaux.
Le cerveau ne serait-il pas
Comme un tiroir-caisse de la pensée ?
Non ! répond vivement la connaisseuse.
L’orage sans pluie ni éclair ressemble
A un orage d’opérette. Ne subsiste
Que son grondement. Dans la routine,
On peut se surpasser, puisqu’on est en
Pays connu ! beugle l’infatigable Mr Simson.
Passe doucement une silhouette
Dans le matin immobile.
Les gens du village se meuvent
Malgré la chaleur poisseuse.
Dans tout ça, quel lien établir
Entre le visible et l’immatériel ?
Le contraire de se qu’on est
Offre un indice de vérité.
« 50 ans », c’est le nom du nouveau parfum,
Crée par la Vie, dit la connaisseuse.
Rester spectateur du rire des autres,
Est ma dernière liberté,
Pense alors Mr Simson, en rangeant ses crayons.