questionnaire de la revue Dissonances août 2014 (Ivar Ch'Vavar)

par Claire, samedi 15 octobre 2016, 17:58 (il y a 2962 jours)

DISSECTION : A...

- Écrivez-vous plutôt « pour » ou « contre », « dans » ou « hors », «malgré » ou « à propos de » ?

Contre. Il me faut écrire contre – les habitudes acquises, les certitudes des poètes, les « savoir-faire » qui nous enferment, le « poétique », les mots qui poussent pour être les premiers, le phrasé « naturel », etc. Contre tout.

- Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ?

Pour aller contre, je n’écris plus que contraint et forcé par telle forme, le plus souvent le vers justifié (il faudrait dire plutôt le mètre justifié) : il faut qu’il fasse tant de millimètres et s’aligne à droite de la page aussi bien qu’à gauche. Je me sers de ce mètre arythmique pour créer de nou-veaux rythmes, un nouveau phrasé, etc. Par ailleurs cette contrainte, très forte, m’occupe tellement l’esprit que je ne contrôle plus le contenu du texte, il n’y a quasiment plus de censure. Pour que le subconscient af-fleure, c’est autrement plus efficace que l’écriture automatique !

- Que faites-vous quand vous n’écrivez pas ?

En réalité je n’écris jamais, presque jamais. Je n’ai rien écrit depuis plus de deux ans. Il se trouve donc que cette question n’a pas grand sens pour moi.

- Qui est votre premier lecteur ?

Moi, puisque je ne repère que des bribes du contenu de mon texte quand je l’écris. Le relisant, en réalité je le lis, je le découvre, non sans ahuris-sement souvent. Je n’ai pas de « premier lecteur » attitré.

- Qu’est-ce qu’un bon éditeur ?

Un éditeur qui cherche et qui trouve, qui prend des risques, et qui les prend avec jubilation. Un éditeur qui court joyeusement à la catastrophe.

- Que diriez-vous à un auteur cherchant son premier éditeur ?

Qu’il est Légion. Et qu’il ne faut pas chercher à publier à toute force, sur-tout quand on commence à écrire. Il vaut mieux y regarder à deux fois.

- Quelle fut votre première grande émotion de lecteur ?

D’auditeur. La lecture par l’instituteur du Dormeur du val, de Rimbaud.

- Que faut-il lire de vous ?

Mettons Hölderlin au mirador et Le Caret.

- Votre ego d'écrivain vous gêne-t-il pour marcher ?

« Officiellement » j’ai 111 hétéronymes. En réalité, davantage. 111 paires de pattes qui tirent un peu dans tous les sens. On s’y fait très bien, à la longue. Question ego, « je ne suis qu’un vaste oviducte / entouré vague-ment de moi. »

- Qu’est-ce que la poésie ?

La poésie c’est quand le réel apparaît : ce qui est là mais qu’on ne voit pas vraiment, avec toutes ces taies qu’on a sur les yeux. – Cela peut être une expérience directe, immédiate. Ou (et pour moi ça reste très mysté-rieux), ça peut avoir lieu dans la lecture, ou en regardant un tableau, en écoutant de la musique…

- Trois œuvres (littérature, cinéma, musique, peinture …) qui vous ont sidéré…

Une question qui vient à point nommé ! Livre : À Oui, de Boris Wolowiec (bientôt sur internet) ; musique : la Cinquième de Beethoven, transcription pour piano de Franz Liszt, interprétation de Glenn Gould ; tableau : un Braque ou Picasso de la période « cubisme analytique ».

- Qu’est-ce qui vous anime ?

Je dirais bien l’amour de l’amour ?

- Comment vivez-vous votre époque ?

Elle m’est absolument contraire. Pratiquement, je vis le plus possible en marge d’elle.

- Êtes-vous plutôt « jour » ou « nuit » ?

Nuit, mais seulement par ce que la fuite des heures m’y oblige. Elle me mène là, au fond de la nuit... Je préfèrerais vivre de grandes matinées !

- Où vous êtes-vous senti le mieux ?

Le plus près possible de l’origine du monde.

- Quelle femme auriez-vous aimé être ?

Pas l’une de celles que j’ai (incomplètement) été en tout cas (hétéro-nymes). Ni aucune autre, à y bien réfléchir… C’est trop dur d’être une femme… Non, c’est d’être vraiment un homme, qui m’aurait vraiment plu.

- Qu’est-ce qui est pour vous véritablement érotique ?

La pornographie la plus grossière. L’ « érotisme » me casse les burnes.

- Quelle est votre plus belle réussite ?

D’avoir pu faire quelque chose de ma connerie. Ainsi je peux être un exemple pour beaucoup !

- Qu’avez-vous vraiment raté ?

Tout, par manque d’énergie, de courage, et d’intelligence souvent. Je n’ai réussi que mon échec ; mais même là, je sais bien que j’aurais pu faire beaucoup mieux.

- Qu’admirez-vous ?

La capacité amoureuse. La capacité de donner du creux et du volume à l’amour.

- Que vomissez-vous ?

Les élites. Puissent-elles crever.

- Où en êtes-vous avec l’utopie ?

J’en suis. Pour le meilleur, et peut-être même pour le pire.

- Qu’attendez-vous des autres ?

Pardon si je déçois, mais il me semble que ce que je leur demande avant tout, c’est de mordre le moins possible dans ma liberté.

- Quelle pourrait être votre épitaphe ?

Toute épitaphe mordrait sur ma liberté d’être mort, même si, dans un moment d’égarement, je l’avais moi-même écrite.

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