note de bord
Naissance de la poésie
Je fus quelques fois d'une émotivité si dense pour un pourpre ou un gris, pour un portique de pierre à l'extrême ciselé ou un geste quotidien qui se décomposait en boucle sous mes yeux, qu'il semblât désespéré d'en dire quoique ce fût. Cependant mon corps s'échinait à en préserver intact l'esprit ; le pouvoir ou ne-pas-pouvoir exprimer est une pulsion des plus âpres, et cela trépignait, comme la danse des furies, au creux de mon ventre et dans ma tête ; et cette émotion, dans le noeud bien serré de son désir d'incorruption, cherchait à se dégager de l'irréductible instant qui la fit naître et qu'elle voulait faire renaître, inaltérée.
De ce fantasme sans espoir auquel se touillait un tempérament amer et joyeux, advint la poésie. Le malentendu était évident. Ni l'herbe, ni les couleurs, ni les volumes ne poussent entre les mots comme vers Dieu s'élèvent les pierres des églises. Un poème n'est pas une cathédrale ; son ampleur n'y aspire pas le corps en l'enveloppant ; son sublime ne réalise pas l'espace ; sa profondeur n'est que métaphore pour l'âme s'y sentir. Où le statuaire muscle le marbre respirant, et le destine à étirer ses tendons de cuivre vers le ciel et braver la mort ; le corps du langage, lui, n'est qu'à peine membrane, pages où miroitent signes presque intangibles, script rythmé dont le revers est d'irradier dans l'effacement. J'avais tendance à l'omettre.
Rendre vibrante à la pensée une monumentale infirmité, un enchantement qu'accouche le malaise. C'était son action. En même temps que je créais des enchaînements tremblants, fragiles, sonores, tirés par l'émotion première ; l'écart se creusait, la corruption s'installait, ma voix se déracinait ; et dans ce mouvement d'extraction, dans l'insatisfaction où se débattaient mortellement harmonies et échecs, dans cette révoltante purgation, un silence s'est compris.
Je fus quelques fois d'une émotivité si dense pour un pourpre ou un gris, pour un portique de pierre à l'extrême ciselé ou un geste quotidien qui se décomposait en boucle sous mes yeux, qu'il semblât désespéré d'en dire quoique ce fût. Cependant mon corps s'échinait à en préserver intact l'esprit ; le pouvoir ou ne-pas-pouvoir exprimer est une pulsion des plus âpres, et cela trépignait, comme la danse des furies, au creux de mon ventre et dans ma tête ; et cette émotion, dans le noeud bien serré de son désir d'incorruption, cherchait à se dégager de l'irréductible instant qui la fit naître et qu'elle voulait faire renaître, inaltérée.
De ce fantasme sans espoir auquel se touillait un tempérament amer et joyeux, advint la poésie. Le malentendu était évident. Ni l'herbe, ni les couleurs, ni les volumes ne poussent entre les mots comme vers Dieu s'élèvent les pierres des églises. Un poème n'est pas une cathédrale ; son ampleur n'y aspire pas le corps en l'enveloppant ; son sublime ne réalise pas l'espace ; sa profondeur n'est que métaphore pour l'âme s'y sentir. Où le statuaire muscle le marbre respirant, et le destine à étirer ses tendons de cuivre vers le ciel et braver la mort ; le corps du langage, lui, n'est qu'à peine membrane, pages où miroitent signes presque intangibles, script rythmé dont le revers est d'irradier dans l'effacement. J'avais tendance à l'omettre.
Rendre vibrante à la pensée une monumentale infirmité, un enchantement qu'accouche le malaise. C'était son action. En même temps que je créais des enchaînements tremblants, fragiles, sonores, tirés par l'émotion première ; l'écart se creusait, la corruption s'installait, ma voix se déracinait ; et dans ce mouvement d'extraction, dans l'insatisfaction où se débattaient mortellement harmonies et échecs, dans cette révoltante purgation, un silence s'est compris.