Conte pour enfants
Un jeune homme aimait une jeune fille d'un pur amour. C'est ainsi qu'il avait appris, dans les livres, à aimer. « L'amour ».Tout offrir pour un seul baiser. C'était de son âge. De son coté, il ne déplaisait pas à la jeune fille.La jeune fille – appelons là Viviane, était touchée par cette nature d'apparence rusée, forte, pas fleur bleue pour un sou ! Elle ne peut le voir sans frémir, suffoquer, rougir et pâlir. La petite stature du jeune homme ne la gênait pas : sa virilité était de l'esprit.
Elle, bien sur, elle avait la délicatesse des herbes qui flottent dans le vent. Tige si fine qu'à la toucher on ne pouvait que la blesser. Mais elle avait aussi une nature plus secrète : elle était rose. Et l'amoureux transi qui s'en approchait risquait de s'y piquer.
Lui avait trop lu les poètes pour n'avoir pas goûté l'énigme de la haute souffrance – il savait regarder l’abîme droit dans les yeux sans se détourner. Mais il savait aussi que ce talent n'était utile que s'il était gardé secret, que la cruauté des hommes n'a d'égale que leur ignorance, et que s'il devait faire un jour l'aveu de cette part obscure de lui même, on lui ferait, comme à Socrate, boire le feu de la ciguë.
Ce pourquoi il jouait l'enfant – amusait la galerie, tonitruait - tout le monde l'aimait pour cette grâce juvénile qui était la sienne quand il s'agissait d'être ivre de joie et bon plaisant. Il savait mener une troupe de joyeux lurons. Ne pouvant exprimer sa sensibilité profonde, il s'appliquait à être docteur en humour : il régnait sur le monde sans aspérité de ses amis. Mais dans les replis de son âme il ne pouvait s'empêcher d'en mépriser la bassesse : patiné de cette boue, son soleil lui paraissait moins ardent et moins vrai.
Des sensations confuses – indicible tendresse, désir confiné dans la chambre du corps, effroi mêlé d'extase, agitaient les deux êtres. Elle ne savait que faire pour résoudre cette lutte intérieure dont elle ne percevait que les remous de surface et qu'elle était incapable de saisir dans l'étau de sa pensée: ce grand désir qui l’émouvait était si puissant qu'elle la paralysait, la rendait aux charmes du corps, et à l'aphasie des bêtes.
Ce grand torrent qui charriait tout se déversait aussi en lui. Mais son intelligence, âpre à la tâche, la circonscrivait entre ses bras musculeux. Il avait compris ce que signifiait ce tremblement, ce qu'était ce désert qui l'encerclait et lui brûlait l'âme de son inextinguible soif : c'était l'amour ! Il avait aussi compris que Viviane l'aimait, sans le savoir – la pauvre enfant, et intérieurement il se réjouit : enfin ! Se dit-il, j'ai trouvé celle avec qui je saurai enfin être moi même.
La meilleure façon de lui avouer son amour était de lui écrire un poème ! C'est là, sur la page entaillé de cette blessure secrète qu'on nomme poésie, qu'il savait être le mieux lui même. Et il voulait cesser de mentir – enfin ! Il mit toute son âme dans ces vers qui coulèrent en vagues d'incendie, pâle vérité de lui même à laquelle il taillait le plus fin et subtile visage - ô triste figure, la sienne, qui portait le fardeau de la vie sur ses traits fatigués, mais éclatante, pourtant, comme la transparence d'un diamant dont la pierre à l'apparence anémiée est plus solide que le fer. C'est ainsi qu'il confia sa vie à un bout de papier – et une fois la lettre terminée, il en referma le tombeau, joyeusement, et posta l'enveloppe avec l'innocente assurance d'être enfin délivrée de sa morbide solitude.
Elle lut la lettre – sans doute, il n'était pas là pour assister à la scène, mais comme elle dut être désolante ! Ils se voyaient le lendemain pour une soirée quelconque où l'on devait être ivre et cultiver cette joie intenable qu'il avait fini par haire. Elle vint ! Fut d'une froideur exemplaire avec lui. Aussitôt, il comprit : sa lettre l'avait détrompé, déçu. Malgré tout il alla la voir, lui demanda si elle avait reçu sa lettre. Elle l'avait bien reçu, disait-elle, croyait l'avoir aimé – avant, elle aimait sa joyeuse brutalité, cette force qu'elle lui supposait – mais à la lecture de la lettre, tout s'était écroulé. Non, il était un être incompréhensible pour elle. Tous ces mots qui vibraient comme des tambours de guerre avait fait vaciller sa raison. Mais elle en avait été effrayée. Comme devant une catastrophe naturelle. Adieu lui dit-elle, adieu.
Que lui restait-il après avoir tout perdu ? Il lui restait cette morsure qui lui crevait l'âme : désir d'aimer, désir d'écrire. C'était tout un – ce tourbillon qui tout emportait, tout annexait. Et le reste : désert et solitude. Il lui faudrait bâtir, entre ces deux pays, un lieu où il puisse exister.
La vie est difficile, murmura t-il.
Il avait raison.
Peut être.
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