16 - rêve de la route et du mobile perdus

par Claire @, lundi 30 juin 2014, 12:18 (il y a 3797 jours) @ Claire

Je dois à nouveau, après des années d’absence, travailler au CMP de D. , à une dizaine de kilomètres de l’endroit où je me trouve : j’ai des rendez-vous prévus à partir de 14 h.
Ma fille et un ami sont là, ils ont eux aussi une voiture et veulent visiter D.. ; je leur propose de me suivre. Le plan de la ville où nous nous trouvons est compliqué et je me rends compte que je l’ai oublié, bien que j’y aie vécu très longtemps. Il y a peu de panneaux indicateurs, les rues sont sinueuses, beaucoup de jardins…. je ne sais plus comment on la quitte pour aller à D. Une première tentative m’amène dans un chemin de terre, il est évident que je me suis trompée, bien que j’aie suivi les panneaux indicateurs... je me souviens vaguement qu’il fallait d’abord aller en direction d’un village qu’on traversait, et dont le nom m’échappe, pour rejoindre ensuite la route principale. Tout en roulant, je me rends compte que j’ai « perdu » ma fille et son ami depuis longtemps dans mes demi-tours successifs et - avec anxiété - que je ne pourrai pas être à l’heure pour le premier rendez-vous. La route étroite, sans indication, traverse un paysage picard aux tons mordorés et terreux, assez sombres, une campagne profonde dans l’humidité d’un début d’automne.
Je m’arrête devant une maison pour demander mon chemin. Il y a là une femme compréhensive, qui me donne accès à un ordinateur dans une chambre d’adolescente. Je voudrais appeler le Centre, et aussi ma fille pour lui donner les indications. Je m’aperçois alors que j’ai perdu mon portable, ce qui est tout à fait sidérant parce que je l’avais dans la main en arrivant, et je ne peux comprendre où je l’ai mis, il y a pourtant très peu d’endroits possibles, seulement le désordre sur le bureau. J’ai l’impression d’être envahie de stupidité et de honte, prise dans l’hostilité perverse des objets. Au bout d’un moment je le retrouve enfin : il a glissé verticalement, noir, brillant et mince, dans un tiroir. J’appelle le CMP, leur demande de prévenir les gens du premier rendez-vous...j’espère être à l’heure pour le second. Je me demande pourquoi je suis si angoissée, il n’y a pourtant rien de grave dans tout ça.

quand on revient sur ses pas
on voit ce qu’on a aimé
on voit combien c’était inconnu
hachuré, ambré,
mêlé. la ville connue se défait comme un chignon,
écroule ses rues sur les arbres et les pelouses,
ses voies s’ouvrent, coupures,
à chaque tournant.
et la peur vient :
- d’être perdu
d’avoir par sa faute perdu -
tout ce qui nous tient à l’abri
d’un Monde inconnu.
aller en avant
sans noms de lieux ni appareils
sans heure - et séparé
de ceux qui comptent pour nous.
comment,
comment pourrions-nous faire encore
ces choses qui nous protégeaient
de notre inutilité ?


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