Jeu de rue avec le je

par Périscope @, dimanche 26 février 2017, 12:06 (il y a 2828 jours)

Jeu de rue avec le je

Nulle nana en la rue ici
Pas de bal
Mais des rats
Bain quand je suis né
Né sale
Un chat rôde
Je suis un mâle
En la rue ici Alain Blanchard
Une année chaude
Je suis né nain
Je suis né nul
Je suis né de la raie suite d’un rut
Mon nez sur la taie je suis laid
On me scie
On me rase
Né dans le lin dans l’air chaud
Rue Alain Blanchard
J’aime l’art dare dare
Suis un âne
Suis un as
Ne suis pas sain
Je mets du fard
Je me cale suis barbare sur mon char
Mange du riz
Dans la rue chic
Sous mon dais
Dans mon lit
Je rentre mon dard
Dans la blanche nuit
Rue Alain Blanchard

*
Rue Champ des Oiseaux
Déjà là le bide on me troue
Mère loin
Et jouer sans joie
Rue Champ des Oiseaux
je croque des poires
Regarde la lune
Attends la pousse de mes poils
Père mourant
On m’appelle le poireau
Rue Champ des Oiseaux
Je manque de foi
Je gratte mes puces
Suis pas un mec
Je bois de l’eau
Suis puceau
Je n’écris pas encore des phrases
Préfère les fraises
Dans mon corps mou
Sur ma chair pâle
J’ai la poisse dans la peau
Je pisse sur la pierre contre les murs
Comme un jeu un rite une raide rixe
Contre la loi
Pas de froc pas de fric
Rue Champ des Oiseaux
Avec des ailes à la place des os
Je sais compter jusqu’à six
J’ai des yeux de soie et un cœur de pierre
Quand je suis sur mon pot
Rue Champ des Oiseaux

*
Voilà je suis grand j’ai du cran
Je suis homme j’ensemence
Je suis rond j’ai un sceau
Dans la rue Gaston Monmousseau
Les cheminots communistes
Faire la noce grimper sur scène
Ne plus aller à la messe
Travailler comme un con
A la nage plein de rage
Je mousse je mousse
Dans la masse je me tasse
Stop je crie
Il est tard
Rue Gaston Monmousseau
Stop je crie
On vide mon sac
Roule ma ruche
A sec je suis
On me casse
Mon nom dans la boue
Une nonne me tape
Ruse ruse je dis
Je hume la rosse
Mon histoire est fausse
Rue Gaston Monmousseau
Il y a des années de trop
Je tague
D’un temps je fais l’usage
Dans la housse des mots
Qui me tue

*

Enfin rue du Matin Calme
Nous irons pareillement au vent sur les cimes
Etaler notre chair abîmée dans les jardins
Avant que notre cœur devienne glace
Et que notre place soit celle des fleurs
Rue du Matin Calme
Il y a au ciel des cerises
A l’image des étoiles
En réponse à nos pleurs
Qui remplissent la nuit
Rue du Matin Calme
Gémissent nos ruines
Perpendiculaires au silence
Parallèles à la mort
A l’inverse des rires
Qui font danser les femmes
Rue du Matin Calme
En frac nous fumons
Comme des feux déjà défunts
Nous avons les draps sur nos seins
Aussi plats qu’une lame
Nous avons le teint blanc
Comme un lac de Chine
Bientôt de la vie
Nous en trouverons le cul
Comme une garce en laquelle nous aurions cru
Rue du Matin Calme
On dépose nos palmes
Un livre encore nous tient sous le charme
On geint sur nos reins
Madame est câline
On est las un peu fada
Tête de cire et de craie
La bière a un goût de planche
Rue du Matin Calme
C’est la rue préférée des âmes

Jeu de rue avec le je

par sobac @, dimanche 26 février 2017, 13:38 (il y a 2828 jours) @ Périscope

je me permet je m'autorise, votre je décliné m'a comblé

je joue
aux jeux
de la rue
je suis celui
pour qui le jeu
vaut son pari
non comme un cri
pas plus qu'un jeu de quilles
ni moins qu'un jeu de scène
je m'éparpille
je sème
a ce jeu la
ma stratégie devient
jeu de patience
je jouis
je relance
le jeu de paume
car le jeu en vaut la chandelle
je suis elle
je suis homme
le jeu est ouvert
je bascule
je vais vers
ou mon jeûne
ne sera point jeu
ni double jeu
car la mise
d'entrée de jeu
serait ma ruine
alors la rue
verrait mon jeu
se perdre
je ne joue plus
la rue m'exhorte
votre jeu
est un mauvais jeu de mots
je suis feuille morte
ce jeu a une fin
je m'éteins

from the craddle to the grave

par Claire, jeudi 02 mars 2017, 21:31 (il y a 2824 jours) @ Périscope

que c'est difficile à commenter, et que c'est beau ! J'ai cherché quels pouvaient être ces noms de rue, mais sans rien demander à Mr Google dont l'aide m'aurait semblé une insulte au mystère, à l'association, à l'opaque d'où tout jaillit, aux glissements du sens. Je me suis dit que peut-être tu es vraiment né rue Alain Blanchard, as vraiment habité enfant rue Champ des Oiseaux puis plus tard rue Monmousseau. On sait la puissance du nom des rues qui nous ont hébergés.
C'est poignant et triste comme la chanson du pauvre Gaspard, et ça renvoie à des ressentis que nous avons tous traversés, qui nous ont construits.
Je me suis demandé en te lisant quelle sorte de solidité, de nostalgie et de vérité cela évoquait pour moi.
D'une certaine façon, notre solitude est quand même notre plus puissant rempart, notre maison, le lieu où nous existons le plus fort.

from the craddle to the grave

par Périscope @, mardi 07 mars 2017, 10:01 (il y a 2819 jours) @ Claire

Ce texte n'est rien d'autre qu'un anagramme.

Les mots dans le mot.

Les mots souches sont les noms de rue.

D'où probablement ce jeu de sonorité dans chaque paraphe.

C'est un orchestre, le chef, c'est la rue !

from the craddle to the grave

par Claire, mardi 07 mars 2017, 10:17 (il y a 2819 jours) @ Périscope

Oui, c'était une évidence en le lisant qu'il y avait un jeu, une contrainte, comme dans tout ce que tu écris ou presque. Mais je ne suis pas très curieuse finalement de la cuisine qui fait naître un texte, souvent j'évite même de chercher, comme on n'a pas très envie de chercher le truc du prestidigitateur (sauf quand on a envie de l'imiter).
Par contre, ce qu'on sent immédiatement à la lecture ce sont les textes qui restent des jeux bien ficelés et ceux qui construisent un sens, une émotion, une ambiance, des associations.