escargots

par Rémy , mercredi 01 mars 2017, 23:07 (il y a 2825 jours) @ Claire

Ah, je ne l'ai pas enregistré... C'était juste un mot en passant, pour nous distraire des bisbilles. Du consommable.
Il est là, sous le titre "Contrairement aux mollusques" :
https://delivre.net/index.php?id=27751

Les choses me sautent aux yeux comme par le passé (quoique, peut-être moins qu'avant, parce que je n'y vois plus si bien), et même parfois encore en mots, mais je n'ai plus cette envie pressante de les offrir, surtout sous cette forme-là. C'est aussi une affaire de don et de contre-don, et mutatis mutandis, c'est aussi ce que Denis m'a fait comprendre, qui conspuait les poètes officiels tout en vibrant de fierté d'être publié et interviouvé. Quand j'accompagne un chanteur, que je m'emmêle les doigts au moment où il s'étouffe, on rit tous les deux ; et si le morceau va sans couacs, si ce n'est l'un c'est l'autre qui dit ah, cette fois ç'a bien réussi, et l'autre répond et c'était une version bien à nous ; et c'est une heure heureuse : en vieillissant j'ai de moins en moins de choses à révéler et de plus en plus besoin de faire ensemble, alors la poésie...

Et puis je ne parle plus à personne en français, et c'est toi qui m'as dit que mes jeux de mots devenaient foireux, je me noie dans mon idiolecte (c'est un mot d'MCE), les mots français deviennent de plus en plus des objets d'étude, ou des Legos virtuels, des artefacts de pure mémoire à propos desquels il n'y a plus de raison de croire que tel arrangement serait moins arbitraire que tel autre ni telle chimère plus parlante que tel bricolage, et qui ça intéresse que je m'esclaffe à prononcer tout haut excargot ou planturlurle, et qui comprendrait le sabir d'allemand dans lequel je me parle à moi-même ou les inventions langagières dont je fais rire mes amis d'ici ?

La poésie s'éloigne de moi, et c'est bien toi aussi qui voulais parler de vieillir, et c'est de ça qu'il s'agit, en fin de compte. Sauf que le sentiment de perte reste très théorique et ne fait pas le poids face à la satisfaction que je trouve à réussir à prendre congé de certaines choses sans dédain ni regrets.