Exister à tout prix m’a toujours paru quelque chose de bien dégueulasse

par zeio @, dimanche 09 novembre 2014, 02:57 (il y a 3670 jours)

Si bien que je me tairais bien volontiers. Cela ne me dérange pas plus que de ça de passer pour le dernier des clowns. Ou le premier des idiots. Il n’en savent rien de qui je suis. C’est pas que j’en sache tellement plus qu’eux… et puis je m’adapte, je les écoute, patience, j’attends que ça passe, ils ne racontent rien, moi non plus remarque. Je garde les meilleurs moments pour quand je suis seul, alors j’essaye de reconstruire un peu le monde à l’écart, sur ma chaise de bureau. Celui-ci présente à chaque fois un goût différent de la veille. Je ne dois pas être bon observateur. Ni bon architecte. En définitive, cet empilement de crasses et de bleuets, c’est le jour qui me présente son signalement. Je travaille à ne plus le reconnaître, jusqu’à le faire mien. Mes semblables, je pourrais bien les haïr, mais je ne sais pas comment m’y prendre en fin de compte. Elle monte à toute allure, la haine, mais j’aurai oublié bien avant… Ils ont tenté de m’enseigner, je les absous. Je travaille à me dessiner un mort, lui raconter ce que c’est que la vie. Ce mort, c’est moi, dans mes meilleurs jours. Vous m’en direz tant. Je lui parle en ventriloque, on se marre tous les deux. Mon meilleur ami, le seul. Alors quoi, récolter les événements les plus ordinaires, en faire des sépulcres ou des épiphanies ? Je pourrais faire comme eux, débiter, augmenter le bruit et le désordre, ou taire le monde, apporter ma pierre au silence espéré, comme on espère le sel les jours de verglas, grelottant d’émotions… Me répartir sur les routes, avaler les trottoirs moites, pour exister de tout mon poids sur la surface molle de la foule, me faire boule de billard sur un édredon de nuages et de sourds. J’ai tenté d’être quelqu’un un jour, ça n’a pas fonctionné comme prévu. Je me doutais bien que ça me reviendrait en pleine face à un moment donné. La pastille sur la joue, le code-barre au bas du crâne, qui me définirait, le nom, ça n’a pas marché. Moi, donc écrivain ? Qu’ai-je pu faire pour mériter cela ? Poète encore ? Je ne maîtrise pas encore tout à fait la marche à pieds. Le ridicule de tous ces simagrées, je me tords de rire, ça va me faire prendre l’eau. Le boulanger qui quotidiennement m’aperçoit n’a aucune idée de l’activité que j’exerce, par quel bout je prends l’existence, riche ou pauvre, père, ou solitaire. Moi-même j’ignore toutes ces choses. Je joue, je perds d’avance : c’est joué. Je tiens suspendu avec mes voix, mes lubies et mes inconnus. Je fais mine d’éclaircir une tâche de nuit en travers de la nappe. Elle se moque, la nuit, elle m’aime bien. Au fond, c’est pas que je veuille l’effacer, je lui dresse le couvert, lui tend une chaise, elle ne vient pas et c’est très bien comme ça. Elle flotte autour. Elle rigole. Au moins, elle sait. De grâce.

Musique pour un jeu pour enfants

par zeio @, lundi 10 novembre 2014, 14:41 (il y a 3669 jours) @ zeio