commentaire sur le site de télérama

Oui, et toi aussi, deviens une autre. Et vite, encore, et radicalement. Allez les gars, on change tous ! Ouais, c'est la révolution ! Vive la Reine Catrine !

je ne sais pas si la poésie est partout où elle ne se nomme pas ; précisément parce qu'une formule de ce type tend à introduire une confusion entre ce qui fait qu'on appelle poésie un poème, et le reste des moyens d'expression artistiques : les territoires de la musique, de la peinture, de la sculpture, de la danse, etc. sont vraiment ceux de l'innomable, parce qu'on ne peut pas exprimer un morceau de musique autrement qu'avec des sons (qui se suffisent à eux-mêmes, dans l'organisation du morceau), ni exprimer les sensations colorées mieux qu'en peinture, etc. mais la poésie est faite sinon de mots, de noms, de verbe, au moins du désir ou du besoin de dire (ce qu'on ne peut exprimer mieux qu'en poème), avec la présupposition que ce qu'on a confusément à dire est d'une manière ou d'une autre, parfaitement ou imparfaitement dicible. l'innommable n'a peut-être de place en poésie qu'à sa marge la plus extrême, au point où le poète en vient à désirer, pour exprimer ce qu'il veut exprimer, un art total.

sans doute qu'en poésie comme ailleurs, il s'agit toujours d'exprimer la relation entre un individu créateur et un monde (ou une transcendance) qui le touche, l'étonne, l'affecte ou l'appelle. cette relation en laquelle la subjectivité et l'objectivité, l'individualité et l'universalité, la liberté et la nécessité sont si indissolublement mêlés est le sel de l'art (quel qu'il soit) ; mais cela me semble toujours parfaitement significatif et absolument non anodin que cette relation singulière soit exprimée pour elle-même, en couleurs, ou en volumes, ou en musique, ou en mouvements gestuels ou en paroles.

en revanche, je suis d'accord pour dire que la beauté et le désir de l'exprimer sont partout où l'on ne les nomme pas. mais la beauté est un sentiment moins déterminé que le sentiment poétique (et il me semble important de faire la distinction).

Pourquoi diable ne doit-on pas sacraliser la poésie ? Quoi donc sacraliser alors, dans nos sociétés occidentales mornes et sans altérités ?

Pourquoi les poètes sont-ils de moins bons parleurs que les romanciers ? Sans doute pour les mêmes raisons que la forme poétique leur correspond mieux, parce que les poètes, ils ne le sont que par instants, pas sur commande, sinon ils écriraient des romans, et le reste du temps ils sont probablement des gens passablement ennuyeux, à l'affût d'un soleil intérieur qui ne se lève que par intermittences.

Je ne sais pas...je connais quelques poètes dont la conversation est très riche et pleine d'originalité, mais il faudrait recréer le cadre d'un entretien amical, la complicité d'un véritable échange et alors je crois qu'on pourrait avoir quelque chose de très intéressant.