Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 08:59 (il y a 2811 jours)

Car la faune était là

Sous la ramure, qui s’allongeait au bord du chemin
parmi les ombres et l'incertitude des branches
c'est ici, qu'embusquée était la seule fraîcheur
un regard étonné des prunelles sauvages
une faune alarmée se réveille soudain
me regarde, m'examine, m'analyse, me sourit
l'anima se redresse et semble m'ignorer
se saisit d'une fraise et la porte à ses lèvres
le fruit semble saigner car une larme en coule
sa langue la régale et son sourire me cueille
elle rit de mon émoi devant sa nudité
ah l'impudique sauvageonne
brisant les frondaisons tout à coup disparaît
là, brusquement retentit le cri railleur d'un geai.

Fabrice Selingant
[image]

en écho

par Claire, mercredi 15 mars 2017, 09:21 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

un vieux à moi, que j'ai repris récemment :


après-midi




tu t’en vas dans l’intervalle
où errent les faunes
bruns, assoiffés
chevelures mêlées de terre
flûtes désaccordées.

tu vois leurs yeux presque fermés,
leurs grands corps au repos dans les arbres
attention toujours dardée
vers le bruit des feuilles et des herbes
demi-sourires.

tu sens comme ils te comprennent
– frères de lait –
accorde-leur, tigrés d’ombre
toute une après-midi d’été.
laisse-toi toucher.

Vois, depuis ta solitude
la longueur de leurs trajets.

et quand ils s’endorment dans l’herbe
les mouvements nés de leurs rêves
flottant sur leurs corps repliés.

Car la faune était là de Fabrice Selingant avec en écho après-midi de Claire

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 09:40 (il y a 2811 jours) @ Claire

Merci, très beau.

les thématiques se rejoignent d'où l'intérêt du point du vue divergeant sur la dangerosité pour moi ou la proximité d'âme pour toi. le sentiment de liberté des deux parts n'aboutit pas de façon identique, pourtant la fascination est partout.

Fraternellement.
Fabrice le Rouge-gorge

Car la faune était là de Fabrice Selingant avec en écho après-midi de Claire

par Claire, mercredi 15 mars 2017, 09:57 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

répondre en écho, c'est toujours tentant, mais ce n'est pas vraiment commenter.

Ce que j'ai aimé dans ta faune, c'est que le trouble né de ce mot (personnage mythologique/ensemble des animaux sauvages) parcourt tout le poème, redoublé par l'ambiguïté de "prunelle" : regard furtif/baie à dévorer.

Car la faune était là de Fabrice Selingant avec en écho après-midi de Claire

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 10:06 (il y a 2811 jours) @ Claire

Dans ton texte, j'ai aimé la notion de frère de lait subtilement amené, comme une nature profonde de la poétesse. Une invite à la liberté.


Fraternellement.
Fabrice le Rouge-gorge

Car la faune était là de Fabrice Selingant avec en écho après-midi de Claire

par dh, mercredi 15 mars 2017, 10:25 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

salut à tous, mon conseil de lecture :

"oedipe sur la route" > superbe roman poétique de henri bauchau.

Car la faune était là de Fabrice Selingant avec en écho après-midi de Claire

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 10:43 (il y a 2811 jours) @ dh

Dès que je trouve le livre sur la route d'Henry Bauchau, je l’achète et le lis, d'après les quelques critiques éparses que je viens de lire, il a de fortes chances de me plaire intensément.

Je suis désolé d'avouer mon inculture, je ne connais pas cet auteur, je vais m'empresser d'y remédier.

Cordialement.
Fabrice le Rouge-gorge

Car la faune était là de Fabrice Selingant avec en écho après-midi de Claire

par Claire, mercredi 15 mars 2017, 10:52 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

oui, c'est un livre magnifique;

en écho

par Chrys la liseuse, vendredi 17 mars 2017, 05:36 (il y a 2810 jours) @ Claire

Je trouve très beau ce poème, Claire.
Je le trouve plus... poétique que celui de la journée de la femme. Mais ceci n'engage que moi et mes goûts personnels ! Moi, c'est le dessin de JC Oates dans le même numéro de Telerama qui m'avait fait rêver. Du désir d'écriture au désir tout court, on peut gloser encore.
Mais je te félicite quand même pour avoir détourné iconoclstement cette journée, au risque de subir les ires de tes sœurs !

Et bientôt peut-être en écho sur ce forum d'invite à l'art, au détour d'un dimanche en musique , L'après-midi de Debussy par DH ;)

en écho

par Claire, vendredi 17 mars 2017, 08:49 (il y a 2810 jours) @ Chrys la liseuse

Décidément j'aime beaucoup ta lecture, qui révèle toujours des choses profondes. Ce qu'à ce poème pour lui, c'est le temps qui s'est écoulé depuis que je l'ai écrit - une quinzaine d'années - et les réécritures entre-temps. Je découvre cela, tout comme ton regard sur mon poème et celui de Fabrice me rappellent notre rapport à la sauvagerie, si désirable mais jamais si aimable qu'on le voudrait bien. Ma voix faéminine est un poème de réflexion, il est moins profond.
Merci Chrys.

Cheminement

par Chrys la liseuse, vendredi 17 mars 2017, 11:26 (il y a 2809 jours) @ Claire

Ta voix féminine je l’avoue m’a laissée perplexe, voire choquée, à la première lecture heurtant mes convictions féministes, formatées par cette journée anniversaire –hommage. Les commémorations ont parfois des effets délétères, incitant à la haine de l'autre.
Je me suis rappelé cette phrase de Delphine Seyrig dans une magistrale interview :
Je crois que toutes les femmes sont féministes. Ou alors on se suicide tout de suite.
https://www.youtube.com/watch?v=dx7OrFe2s2M&feature=youtu.be

Et puis en réfléchissant, trouvant douteuse l'hypothèse d'une traitrise à la cause,je me suis aussi rappelé que JE est NOUS. Et une deuxième lecture plus subtile m’a alors fait prendre conscience que ton texte ne parle pas de LA femme, mais des nombreuses femmes qui cohabitent en moi .
Et en ce sens, ta voix est un bel hommage vers l’ouverture, le multiple. C'est bien le rôle de la littérature de qualité.
Au passage, merci du compliment pour mes commentaires, malgré une faute de goût récente et impardonnable :(

Cheminement

par Claire, vendredi 17 mars 2017, 14:22 (il y a 2809 jours) @ Chrys la liseuse

Comme je te le disais, il y a une certaine violence ici dans les propos, et du coup, tous les "anciens" ont commis de nombreuses fautes de goût, s'en sont mordu les poings derrière leur clavier, voire ont disparu des semaines, mortifiés, pour réapparaître ensuite. Du coup, il y a aussi une tolérance, ça ne choque vraiment personne, même si c'est relevé sur le moment sans aucune indulgence. Je sais que c'est bizarre, mais peut-être ça fait partie du charme de ce lieu...pour moi en tout cas.

Pour "Ma voix féminine", ce n'est pas pour rien que j'ai eu peur en le postant, je le sais. Mais c'est cette peur même qui m'a poussée à le poster, j'aurais pu le garder sur mon site, bien gentiment.
J'ai expérimenté à plusieurs reprises comment une idée juste, libératrice, un combat juste, étaient toujours en risque de porter des germes d'intolérance, d'obligation et d'interdit de penser, voire de tyrannie. Les signaux d'alarme qu'on entend alors.

Depuis, je ne peux plus croire complètement en rien, tout est feuilleté, complexe, comme ce poème qui dit quelque chose de juste, en opposition à quelque chose de juste, et qui dissimule encore autre chose que la citation biblique de Rémy m'a fait apercevoir (qui est certainement très différent de ce qu'il voulait lui faire dire).

Pourtant, la vérité existe, simplement elle est compliquée. Heureusement qu'elle existe, sinon on ne pourrait pas agir et on a un travail infini à faire.

Cheminement

par le Rouge-gorge, vendredi 17 mars 2017, 17:34 (il y a 2809 jours) @ Claire

C'est bien un cheminement, plein de bon sens qui crée ce doute, légitime et passionnel, mais qui permet encore une part pour l'espoir, et c'est cela qui crée la jeunesse permanente.

J'ai vécu, moi aussi les affres successifs de l'enfermement, de l'empêchement de penser ; ils m'ont conduit à ne jamais me renier, à prendre les distances nécessaires. à m'engager passionnément avec raison.

Rien n'est simple et le simplisme n'aide en rien, mais l'éthique ne doit jamais faiblir, sauf à admettre l'usure et la vieillesse, qui ne sont en rien gage de sagesse.

J'apprécie de plus en plus de te lire.

Comme j'apprécie de lire Chrys, ses analyses pertinentes, son ouverture, sa capacité de propositions sans jamais (sauf une fois, mais elle en fait amende honorable) blesser quiconque.

Fraternellement.

Fabrice le Rouge-gorge

Cheminement

par Chrys la liseuse, samedi 18 mars 2017, 06:35 (il y a 2809 jours) @ Claire

J'ai expérimenté à plusieurs reprises comment une idée juste, libératrice, un combat juste, étaient toujours en risque de porter des germes d'intolérance, d'obligation et d'interdit de penser, voire de tyrannie. Les signaux d'alarme qu'on entend alors.


Ton propos me rappelle un livre de Todorov lu il y a au moins 15 ans et que l'on ressort de derrière les fagots depuis son décès récent : " Mémoire du mal tentation du bien ".

Les hommes ne font pas le mal pour le mal. Ils croient toujours poursuivre le bien, seulement en chemin ils sont amenés à faire souffrir les autres.


Il faudrait que je le relise. J'ignore si Todorov a par la suite ajouté à son réquisitoire des totalitarismes du siècle qu'il analyse (nazisme-communisme) cet autre mal, plus sournois : le capitalisme.

Cheminement

par Claire, vendredi 17 mars 2017, 21:50 (il y a 2809 jours) @ Chrys la liseuse

Encore un mot : si je n'avais pas cherché une certaine provocation j'aurais appelé le poème : "Le plus féminin de ma voix".

Cheminement

par Chrys la liseuse, samedi 18 mars 2017, 06:54 (il y a 2809 jours) @ Claire

Difficile choix d'un titre...
Je préfère à l'oreille Ma voix féminine, et le déterminant en tête affermit le propos je trouve.

Le titre auquel tu avais pensé, plus explicatif, entérine parfaitement ma lecture personnelle, guide le lecteur, l'oriente vers de multiples possibles, mais le côté provocateur risque peut-être de disparaître . Le lecteur n'a plus à réfléchir, or s'il est capable d'aller au-delà des apparences, il se dit "Non, ce n'est pas une rêverie de midinette, il y a autre chose."

Cheminement

par Claire, samedi 18 mars 2017, 13:24 (il y a 2808 jours) @ Chrys la liseuse

oui, tu as raison.

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par sobac @, mercredi 15 mars 2017, 10:39 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

avec la faune la flore
folklore à l'aune
jeu de paume, les pores
se colorent, agit le baume

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 10:44 (il y a 2811 jours) @ sobac

Il est temps de donner une vie surnaturelle à la flore, une magie, je compte sur toi Sobac.

Fraternellement. Fabrice le Rouge-gorge

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par sobac @, mercredi 15 mars 2017, 11:05 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

pour le fun

un jour au Flore, un amateur de gin
dont le yang lui brûlait les entrailles
s'écria" moi vivant" jamais le pidgin
sous la houlette du yin, ne braille

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 12:27 (il y a 2811 jours) @ sobac

Oui mais tout ces beaux messieurs du Café de Flore, oublieux qu'ils ont du pidgin Café ne veulent pas se souvenir que le breuvage créant le commerce fut appelé soupe turque en son temps.

Fraternellement.
Fabrice le Rouge-gorge

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par sobac @, mercredi 15 mars 2017, 13:08 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

merci pour la precision

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 16:29 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

tous ces beaux pas tout avec un thé c'est de café dont je parlais... détail d'importance...

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par sobac @, mercredi 15 mars 2017, 20:03 (il y a 2811 jours) @ le Rouge-gorge

arabica où robusta
pour la rime en A
je l'ai bu déjà
et demain sera
mais jamais deca

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par le Rouge-gorge, mercredi 15 mars 2017, 20:19 (il y a 2811 jours) @ sobac

Du reste, j'ai des amis qui produisent d'excellents thés à la scop thé, en autogestion après 1336 jours d'occupation de leur usine près d'Aubagne à Gémenos ; ils ont tout mon soutien et mon amitié en plus.(voir leur site http://www.1336.fr/)

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par Chrys la liseuse, vendredi 17 mars 2017, 05:40 (il y a 2810 jours) @ sobac

Chapeau haut pour cet astucieux mêli-mêlo de mots pas mélo du tt
J'aimerais avoir ce talent !

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par Rémy @, samedi 18 mars 2017, 00:51 (il y a 2809 jours) @ sobac

C'était en fait une belle faunesse fantasque, qui broutait chèvrement - ou bichement ? voir girafement, de sa longue langue élégante - okapique - une jolie jeune floresse poussée là par hasard. Ça fit rougir la gorge du petit damoiseau mateur, mais les deux sauvagines n'étaient pas intéressées ; elles lui enjoignirent véhémemment d'aller plutôt voir sa maman, et seule sa pudeur poudrée nous protège de leurs jurons de jarretières.

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par Rémy @, samedi 18 mars 2017, 01:32 (il y a 2809 jours) @ sobac

La téléfaune, ce sont les animaux qui remplissent les émissions de zoo, est-ce que vous avez ça aussi en Francie ? Ici en Germanie l'après-midi est bouchetroué d'émissions de zoo, où l'on suit les soigneurs s'occupant des lions, des éléphants, des singes, et des progénitures de toutes les bêtes possibles et imaginables, et, si tout va bien, une fois par émission, d'un animal moins tartalacrème, par exemple un gros poulpe, un banc de grands gardons, ou une harde de caipirinhas, heu je veux dire des capybaras. Mon épisode préféré est celui où deux beaux sportifs en maillot de bain empoignent des balais-brosses mahousses pour plonger nettoyer le fond d'une piscine pleine de petits poissons, et où, sortie de nulle part et sans bruit comme un vaisseau spatial du fond de l'infini, une énooorme lamantine vient s'allonger langoureusement devant eux et se tourner et retourner avec une grâce fabuleuse, jusqu'à ce qu'ils comprennent qu'elle leur demande de la frotter. Une sirénienne voluptueuse.

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par Chrys la liseuse, vendredi 17 mars 2017, 05:58 (il y a 2810 jours) @ le Rouge-gorge

Dans ses aspects ambivalents d'attraction-répulsion, cette faune trompeuse, bienveillante à une première lecture (on imagine le poète avec ses muses dans une nature harmonieuse, à l'image d'une scène pastorale du XVIIIème) me fait finalement penser à un effrayant tableau de Méduse vu à la Galerie des Offices de Florence.

Merci Fabrice pour ce poème surprenant et d'une facture nouvelle.

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par Chrys la liseuse, vendredi 17 mars 2017, 08:47 (il y a 2810 jours) @ le Rouge-gorge

Les jungles du Douanier ;)

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par le Rouge-gorge, vendredi 17 mars 2017, 17:40 (il y a 2809 jours) @ Chrys la liseuse

Oui Chrys, la belle lecture qui est la tienne.

A chaque fois, si vive, si proche, si entière, elle me plait par sa capacité à rebondir justement.

La jungle du douanier, l'acte naïf, le besoin d'être utopiste plus que jamais. Tant pis pour les condamnations de mes frères pour qui tout n'est que raison et dialectique. Ils restent mes frères durablement, mais le rêve ne meurt pas, il n'en a pas le droit.

Fraternellement. Fabrice le Rouge-gorge

Car la faune était là poème de Fabrice Selingant

par le Rouge-gorge, vendredi 17 mars 2017, 17:45 (il y a 2809 jours) @ le Rouge-gorge