Insulaire
Il est en train de découper un poulet en plastique dans lequel il fait coulisser le corps d’une Barbie. Une fois la poupée insérée, il cloue le poulet sur un tableau blanc, carré, puis il colle, dans un des coins, une petite hache comme on en trouve sur les bûches de noël. Il dépose le tout dans une grande barquette initialement destinée à conditionner de la viande et me tend l’objet en me disant que c’est la première fois qu’il offre une de ses œuvres à un garçon qu’il ne connaît pas. Il ajoute : « ce tableau, c’est une Barbie-chicken, comme toutes les petites filles rêvent d’en commander dans les fast-foods ». Plus tard, quand il se penche sur une maison de poupée qu’il a transformée, dit-il, en « maison du crime », je vais chercher dans mon sac la caméra que j’ai empruntée, et je la pose sur une console de métal à moins d’un mètre de lui. En réglant le cadre, je m’aperçois qu’il a corseté la maison avec un bandeau jaune et qu’à l’étage, les murs des chambres sont recouverts d’un liquide rougeâtre. Des figurines – l’une décapitée dans un couloir attenant à la chambre, l’autre retournée sur le ventre dans le salon – miment des cadavres. D’autres encore sont entassées dans le jardin, sauf une, restée posée à l’écart sur son bureau, qu’il a déshabillée et dont les vêtements (une jupe longue et un gilet noir) sont soigneusement pliés. Je décide de déplacer la caméra au-dessus de cette poupée isolée et de ne filmer qu’elle. Je laisse la batterie se vider sans savoir ce que donneront ce type d’image et le son, en arrière-plan, de notre conversation. Sur le moment, j’ai une idée de titre pour mon film. Mais je n’ose pas lui dire, ni lui demander si l’auteur du crime est bien cette poupée-là.Fil complet: