L'assommé
Quelques marches de plus, et j'étais sur le point de nuire au néant. Le jour est pourtant bien levé, je me suis levé avec lui comme à l'accoutumée, une douleur dorsale légère. Ne pas prendre le temps de musarder à la fenêtre, monter plutôt quelques marches supplémentaires. Toute une somme d'efforts afin de se donner un air présentable. Me suis-je bien levé sommes toutes. J'ai ce rêve régulier de me trouver dans la cabine de pilotage d'un avion de ligne, sillonnant les routes de montagne. Mon rôle, c'est de guetter que les ailes ne se brisent pas sur les arbres en bordure. Il m'arrive épuisé de prendre appui sur la rampe, tant l'ascension me paraît infinie. Exhorté de continuer, de vaincre la marche suivante, dans un but que j'ignore. La joie monte en moi comme une montgolfière, plein gaz vers le sommet qui se renouvelle. J'enjambe des mourants, des assommés, des mains serrent ma cheville, je peine à m'en débarrasser, pas de temps à perdre avec des enfantillages. Il faut monter, tout est là, et si je descends je ne serais plus rien. Voilà que, ne pouvant plus je m'affale sur le mur, mes yeux se referment. Le pilote me fait signe de surveiller le bord. Un feu blanc au bout de l'aile clignote à mon intention. Qui d'autre ? L'odeur du pin et de l'humidité, au fond de laquelle se contorsionne un vague souvenir. Pourtant, alarme crue, tocsin, foudre. Vitre brisée. On y lance des cailloux, j'entends que la foule s'impatiente en contre-bas. Des enfants réclament quelque chose de moi. Je rouvre les yeux. Me réveille bel et bien, sans trêves.