Le Grimpeur

Mis à part le flux et reflux des rumeurs de la foule en contrebas, les cris des enfants qui, souhaitant innocemment ma perte, exercent à mon encontre la cruauté qui leur est propre ; mise à part cette condamnation étrange dont je fais l'objet, la peine prononcée dépassant de loin les capacités de résistance de mon corps ; mise à part tout ceci, rien autour de moi ne m'inspire une crainte quelconque. Je regarde l'heure, voilà bien deux heures que j'ai débuté l'ascension, et je n'en vois pas le bout. Me voici dans de beaux draps. Aucun urinoir n'a semble t-il été prévu, entre ici et la destination que j'ignore. Je leur pisserais volontiers sur la tête, si la femme à la griffure de chat sur la gorge ne se trouvait pas, en ce moment même, au milieu de la foule à me regarder, en bas. C'est sous ses yeux, surtout, que je ne dois pas laisser filtrer le moindre signe de ma détresse. Le dos me lance, la nuque, le souffle court. Je soulève néanmoins la tête. Redresse le dos. Bientôt je vais reprendre l'ascension. Que faire d'autre, après tout ? Quelques étoiles tout au plus, que je peux compter sur les doigts d'une main. En restera t-il au moins une, pour le jour où j'en aurai fini avec tout ceci. Pour me sentir moins seul. Garder un condensé de ma mémoire, même minime. Pourvu que je sois épargné.