L'obstiné
Nous n'avons que faire de la liberté. La quasi stagnation nous embellit. Un léger mouvement régulier nous évite les escarres. Préservons nos forces, pour la grande ascension. N'allons pas non plus trop vite dans les hauteurs, là-haut il ne nous sera plus possible de contempler les traits et émotions de ceux qui scrutent avec grand plaisir nos faits et gestes. S'habiller impeccablement pour la nouvelle journée de labeur. La mécanique de l'ascension est huilée comme le serait une machine magnifique et fonctionnelle. Il ne nous reste guère autre chose qu'un mouvement de balancier à effectuer, une perte d'équilibre maîtrisée, comme on maîtrise et masque une honte, un pas, puis un autre, un à un. Ça n'est rien. Ça passera tout seul. Coûte que coûte. Sous le soleil de plomb, tant pis. Sous les quolibets, et la rage du spectateur. L'appel du sommet est inextinguible. L'apogée ne peut se trouver ailleurs que devant soi, un peu plus loin, là-haut. Encore un effort. Au bout du compte les fruits du labeur se récoltent toujours et, s'ils ne sont pas distribués par les Hommes vengeurs, ils le seront par la voie lactée. Comment pourrait-il en être autrement. Une marche vaincue nous en rapproche. Les cris, les jets de pierre, les coups de feu, le chant de la sirène, n'entravent pas plus que la chute d'une pluie fine sur une tête nue : pas plus.