chouchou

par loulou, vendredi 24 mars 2017, 21:07 (il y a 2802 jours)

LONGTEMPS, J'AI CHOUCHOUTÉ DE BONHEUR
roman


ma petite amie, je l’appelle chouchou, elle m’appelle loulou : on voit comme il est facile de se laisser aller. c'est la politesse qui me fait user devant elle de la version propre de ce qui est en fait un nom commun : un vocabulaire est né à ces pas par mégarde car j'ai du lexique une conception de touriste, prompt à laisser derrière lui la moindre trace de sa présence, ou bien je n'arrive pas à parler sérieusement sans être mon propre sémiologue. si une ombre passe dans ma voix, comme les nuages, c'est que j'ai laissé mes doigts trop longtemps sur mon vocabulaire, par quoi les maladies s'attrapent.
chouchou vit à paris, dans le 14ème arrondissement où il n'y a plus de rue de vanves. il y a encore la rue d'alésia qui fait à son flanc septentrional un ourlet désagréable d'en être depuis longtemps débordé. la rue du château et la rue des plantes circonscrivent avec le passage sainte-léonie et la rue de l'ouest un endroit où la vie semble (à première vue) envisageable. les endroits déposent des premières impressions sur les pensées comme les maçons en charge sur les lettres d'apposer les signes diacritiques, d'abord par esprit du devoir. ce qui reste est du ressort du détail, qui sont plus souples que les... chouchou donc vivait.
parler convenablement du chouchou n'est pas sans difficulté. chaque existence a un centre de gravité qu’on appelle caractère ou nature et qui la rend palpable. la vie est comme une feuille de papier froissée dont les aspérités forment différents plis pour nous laisser progressivement loger au plus concave, faute d'énergie potentielle accumulable pour en sortir. l'individualité est une sorte de collections de gouttières qui convergent vers l'usine à recycler l'eau de pluie des intentions. c’est donc lorsque nous sommes les plus mornes, les plus égaux à nous-mêmes, les plus proches de ce centre que nous sommes tout à fait particuliers; à trop s’en éloigner on se retrouve dans un espace indéfini qui prête le flanc à la première individualité venue, qui s'y dissout. rien ne ressemble plus à un désespéré qu’un autre désespéré, à un amoureux qu’un autre amoureux;à parler du chouchou, je l'ai toujours fait comme à me promener dans un roman de gare.
je décompose le chouchou en ses éléments: le c, le h, le chou, et ce vocable qui se prend lui-même par la main, comme ses fesses rebondies, des pêches, chouchou callipyge, peau d'orange, chouchou callipo, tendue comme une nappe de sable au soleil; l’amabilité des angles à son visage car ils retiennent la porte pour s’y laisser réfléchir la lumière, bien élevés, comme des vaches label rouge; sa pensée qui fait un pas de deux entre ses personnalités, multiples, et ses personnalités et le monde, un. chouchou est un kaléidoscope. je définis donc trois vecteurs orthogonaux qui passent au plus proche de ces variables, qui les approximent au mieux et en maximisent la variance. ces dimensions me forment un chouchou praticable; un chouchou de manuel, autrement on ne saurait jamais sur quel pied danser. mais chouchou ne souffre ni les approximations ni les mots boiteux de trop de consonnes. son exigence est un soleil d'hiver au-dessous duquel les choses poussent comme des plants de tomates.

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