Chant du prisonnier (ou la bête)
Il me connaît mal, celui qui pense que je suis un lâche, celui qui s'imagine que je vais pousser ici mon dernier couac, ainsi débraillé, la gorge ouverte aux quatre vents, un râle en lieu et place de ma faconde, les doigts enflés de presser les murs, noirs de la suie perpétuelle qui les recouvre. Mon métabolisme fonctionne encore, pas qu'un peu, je suis toujours en mesure de laisser derrière moi ordures, contrariétés, exaltations nombreuses, de prendre le pli du jour, si sinueux soit-il. Porter sur mes épaules une volée de leurs volatiles condamnations. Hurlez donc. Ou perpétuez les sentences illégitimes. J'étoufferai le tout dans un rire salubre indéfiniment. Mon plan d'attaque est étendu, l'adversité n'en verra pas le bout, pas plus que moi-même d'ailleurs. Contre toute forme de lenteur j'exercerai ma célérité : un pas, un à un, un autre. Un bond, trois marches d'un seul coup. Une charogne, une merde sans égard. Une proie qu'un chasseur a déporté dans mon réduit. Un attroupement de curieux qui se bouscule à l'œilleton. Ils viennent assister, voir la bête. Je creuserai mon chemin tout tracé dans le ciel, où je ne suis pas sensé me trouver. Je décompterai volontiers mon dû, le solde des étoiles sur les doigts d'une main. Quand je passe la tête et le cou par la lucarne. Elles ne brillent que pour moi puisque je suis seul à les contempler. Elles seules en fin de compte sont dignes d'ordonner mon absolution, la grâce sourd entre les pierres, les échos remontent, comme autant de prières décousues et ascensionnelles. Les étoiles, répondront-elles à ce vacarme d'emmuré ? Ou devrais-je adresser une requête aux sourds et aux aveugles ? Remuer, remuer, en réponse à l'immobilité dans laquelle on a fait vœu de me confondre. Les vengeurs sont dénués de raison, dragués du fond des eaux ils mangent les astres. Gagner le loup, rasant la terre. Suivre le mur, il se terminera bientôt.