La maison des fous

par zeio, vendredi 14 avril 2017, 00:51 (il y a 2782 jours)

Les fous, nous les casons hors du monde, le temps qu'ils s'y éteignent, l'index sur les lèvres, les fesses posées sur la chaise de plastique décoloré par les centaines d'autres fesses. Comètes passées inaperçues, aucun n'ayant levé le regard à ce moment précis, page d'une vie humaine tournée avant d'avoir été lue, tête brûlée qui se heurte à la circonvolution de la Terre, flamboyante seule, là-haut dans l'atmosphère. La journée se limite à la chasse à la cigarette, aux plateau-repas insipides, aux escaliers à monter, à descendre, à monter de nouveau pour atteindre n'importe quel but, réclamer n'importe quel butin ; aux graffitis qu'on ne remarque plus à force de les croiser, les granules à heure fixe, les lits à remettre à l'endroit chaque matin. Les infirmières sont blindées depuis les orteils jusqu'à l'occiput, mais humaines formidablement. Dehors le monde suit son cours. On se raconte des événements antédiluviens comme s'ils avaient eu lieu hier. Des adversaires cheminent le soir, pénètrent par les prises électriques, infusent dans le téléphone finalement confisqué, les divers interstices sont des promesses de manigances. Chercher un sens est comme tirer sur une ficelle dont on ne verra jamais le bout. Le temps est stoppé, dans la maison refuge tout autant que dans l'esprit de ses habitants. Le présent n'est plus guère autre chose qu'un os. Il n'y a plus rien à y ronger. La conscience subsiste quelque part, en perdition entre les souvenirs qui s'entrechoquent et se multiplient entre eux. On y fait des bulles avec les mémoires, on ne présage rien de l'avenir qui a foutu le camp avant de paraître, les volutes vont et viennent, comme les saisons. Aucun n'a pris le temps de dire adieu à sa raison, à la dérobée éclipsée, tirée sous la surface, leurre gobé par un poisson bien trop vivace pour de pauvres fous.

La maison des fous

par sobac @, vendredi 14 avril 2017, 10:25 (il y a 2781 jours) @ zeio

Ce fut un FOU-rire, aliéné, interné, soigné, cajolé
Qui ne devint jamais FOU-cade
N’eu jamais peur du père FOU-ettard
Et de son FOU-et, réservé aux FOU-rbes
A ce jour
Le FOU-rire a la FOU-gue
Et FOU-ille tel la FOU-ine
Pour FOU-rnir
Autre chose que des FOU-taises
A des gens FOU-tres
Seulement leur donner envie de rire
Et que leurs jours soit FOU-rires

La maison des fous

par Rémy @, vendredi 14 avril 2017, 11:52 (il y a 2781 jours) @ zeio

C'est même pas vrai d'abord. Moi j'en connais, des fous ; ils vont, ils viennent, ils rentrent, ils sortent, on n'a plus de place ici, on les envoie ailleurs - parfois ils prennent le train, on va les rechercher, comment auraient-ils deviné que cette femme belle et noire entrevue à la gare de Bourg-la-Reine n'allait pas à Hendaye ? - ils connaissent un psychiatre très bien pour leur père qui n'a pas l'air dans son assiette aujourd'hui : on y va.
Avez-vous essayé le phényltiroxan ? Je n'en n'ai plus besoin, en ce moment je vais bien. Bon, alors je vous donne du butylgaroxam, une seule fois par jour, vous m'en direz des nouvelles. Ah non, ça je n'en veux plus, d'abord ça fait grossir. Les diables sont moins méchants avec l'autre médicament. D'accord, je vous fais un implant. Je l'ai dosé un peu moins fort que la dernière fois, on fait un essai, revenez me voir dans six mois.
La semaine suivante, ils vont demander des sous à leur grand-mère pour monter leur starteupe, ils achètent dix-sept djembés "à réparer" qu'ils "revendront sur internet", il faut tout renvoyer avec un mot d'excuse et payer les frais de port, ils se fâchent, ils pleurent, il voient le diable, finalement l'hôpital d'Hendaye n'était pas si mal, et puis surtout, il y reste une place, ça permettra d'attendre un mois que l'implant mal dosé soit à peu près passé, ah non pas un mois, nous avons des visites prévues, ils pourront rester dix jours le temps que leur psychiatre habituel soit rentré de vacances et de son congrès en Au ne prononcez pas ce mot-là devant eux sinon la prochaine fois ce n'est pas à Hendaye qu'il faudra venir les chercher, les djembés à réparer nous suffisent, didgeridoos et cannes à pluie sont trop encombrants.
Non non, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'attente dans la vie des fous, mais entre ces moments d'attente, c'est absolument palpitant.