Rituel spirituel
On eût dit que pour elle, la neige tombait depuis toujours, pour la toute première fois, et les lueurs dissipées aux fenêtres, les voici, comme les étoiles, s'éclipsant, s'allumant de nouveau. Nul besoin d'aller bien loin pour voyager, il est possible d'observer d'ici les rives étrangères, y cheminer, accoster l'une elle simplement en y posant nos yeux. La cité fourmille, la vie s'y ordonne, légère puis brutale, ses nervures affluent à l'air libre, essaim de libres arbitres, comptines désorbitées, chamailleries près d'un rideau mouvant. Modulations de couleurs dans ce rivage-ci, dans l'oriel là-bas, une silhouette passant, dans une autre, une femme terminant sa cigarette, le bras posé sur la rambarde. Peut-être vient-elle à l'instant de faire l'amour. De loin, toute chose semble plongée dans sa plénitude. Dans une gouttière un chiffon noué, imbibé de pluie, l'enfant qui hier encore jouait avec lui en a oublié maintenant jusqu'à l'existence, tout empreint qu'il est de sommeil. Ce que l'on porte un long moment en soi, un jour finit par se détacher, par inadvertance. Une étoile se dissocie en fragments gazeux. Un bloc gelé retourne dans le courant. On soulève un loquet, on passe la tête par une lucarne. L'inconnu toque à la porte d'un cœur, nous, persuadés d'abord d'une quelconque méprise, lui ouvrons finalement en grand la porte de la demeure.