De l'importance du regard

par Périscope @, dimanche 14 mai 2017, 16:49 (il y a 2751 jours)

De l’importance du regard


Il s’appelait Marcel Dupont. Je l’avais entendu décliné son nom au réceptionniste.
Marcel Dupont, assis dans le petit salon, lisait le journal. Sur la table basse, d’autres
magazines étaient posés en désordre. Au dos du journal de Marcel Dupont, je pouvais

lire le titre d’une attaque terroriste annonçant une douzaine de morts. Les appliques
murales éclairaient agréablement le salon. Marcel Dupont portait une serviette de
bain nouée autour de la taille. Il était de corpulence solide. Une musique rythmée

résonnait dans tout l’établissement. D’autres personnes écartant le rideau jetaient
un œil distrait dans le salon et repartaient. Sur l’écran du téléviseur un programme
insipide se déroulait. Je remarquai alors un détail étrange dans le comportement

de Marcel Dupont. Cela faisait plusieurs longues minutes qu’il n’avait pas
bougé le journal, ni tourner la moindre page. Je me déplaçais discrètement
pour distinguer son visage dissimulé derrière les grandes feuilles. Il fixait

curieusement celles-ci. Mais son regard cilla quand il découvrit le mien.
Une femme à cet instant vint s’asseoir dans le salon. Elle était rondelette
et fortement maquillée. Mes yeux tombèrent sur les jambes de Dupont.

Elles étaient velues et robustes. La femme prit un magazine sur la table.
Sa serviette de bain lui enserrait sa forte poitrine. Puis Marcel Dupont
se leva. Une grosseur sous le ventre bombait la serviette. Il quitta le salon.

Cette fois la femme, quinquagénaire à coup sûr, me regarda par-dessus
son magazine. Je tentais de m’intéresser au programme de la télévision.
Depuis que la femme était rentrée, une puissante odeur de Patchouli

se répandait dans la pièce. Sans doute comme pour attirer mon attention,
elle murmura d’une voix rauque « Il fait chaud ici ». Je lui répondis par
un vague sourire. Sa serviette de bain relevée laissait entrevoir impudiquement

ses cuisses. Elle ne fit rien pour se réajuster. Elle portait un collier où
pendait un angelot en céramique. Elle se releva et prit au autre magazine
sur la table. J’eus le temps d’observer son derrière bien rebondi sous

la serviette qui la moulait. Elle feuilleta sans grâce son nouveau magazine.
Marcel Dupont revint. Il s’assit dans le fauteuil et regarda la télévision.
Maintenant des images de cadavres dans un wagon ferroviaire défilaient lentement.
Plus rien de Marcel Dupont ne pouvait se soustraire à ma vue. Ses
bras musclés, sa poitrine broussailleuse, sa nuque rasée presque taurine.
Il ne bougeait plus, son attention anormalement concentrée sur le poste

de télévision. J’observais ses pieds posés sur le pouffe de velours. Ses orteils
me parurent d’une énormité dérangeante, de temps à autre, un bref
mouvement les secouait. La femme me regardait en train de regarder

Marcel Dupont. Combien de minutes s’écoulèrent ainsi ? La musique scandait
cette étrange immobilité. La quinquagénaire respirait bruyamment, tortillant
ses fesses sur son fauteuil. Des témoins racontaient les scènes d’horreur

à la télévision. Marcel Dupont ne bronchait pas...


à suivre, ce sera un tryptique

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