Le mot

Je me souviens du mot qu'elle prononçait. La lenteur précise avec laquelle il sourdait de ses lèvres... une eau cristalline...

Elle fermait les yeux, prenait une ample inspiration, comme si elle s'apprêtait à plonger pour longtemps, au delà des possibilités humaines. Puis elle libérait les syllabes. Voyelle. Consonne. Voyelle. Voyelle. Consonne...

C'était musical et enivrant... bien autre chose encore. Car le vécu intensif des émotions recèle toujours beaucoup plus que ne le saurait contenir l'étroit canal d'un quelconque idiome.

Ce mot, je le connaissais par cœur et pourtant, il me semblait à nouveau l'entendre pour la première fois. Son audition bouleversait mon âme en y propageant d'inédites fulgurances. Je demeurais absent du langage. Incapable d'émettre un son réciproque. Seul mon corps parlait. Il resserrait son étreinte avec les infinies précautions d'un improbable boa constricteur qui aurait sacrifié ses instincts sur l'autel d'une adoration.