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Embarassed il m'arrive d'écrire des poèmes dans le noir dans ma chambre lorsqu'il fait nuit comme on choisit la couleur du papier peint de son futur chez soi. ça n'a pas d'importance et plus que ce qu'on voudrait bien en avouer. ça a beaucoup d'importance. ensuite l'ennui arrive qui en accélère la décomposition. une phrase arrivée à son terme n'en a plus comme un muscle contracté qui se dénoue éclaire l'esprit. écrire des poèmes ne soulage pas mais permet de penser à autre chose lorsqu'on le termine, ce qu'il indique lui-même en choisissant librement ce moment. ce quelque chose qui a mené au poème est dans le poème mais n'est pas forcément ce dont le poème parle. les poèmes parlent de toutes sortes de choses. les poèmes apprenent leur langage, les poèmes se brossent les dents et peignent leurs cheveux et choisissent leurs tenues et éduquent leur goût à l'intérieur des livres, dans le confort et l'intimité des phrases. je rencontrais naguère quelqu'un qui me montra ses paragraphes les plus intimes. la manière me plaisait. le papier peint était d'une couleur que je n'aurais pas choisie, je n'aimais pas la tenue des meubles, des fautes de goût, qui sont dans l'espace des fautes de syntaxe, comme une fausse note l'est dans l'espace de la musique, une maladresse enfin : trébucher. mon oeil qui se promenait sur ses meubles trébuchait, mais je m'y sentais bien, puis je m'en suis ennuyé. j'ai refermé son livre, ce qui est une métaphore. j'ai lu beaucoup de livres et en même temps peu. j'ai refermé le mien il y a quelques années. tout ce que je vis est une sorte d'épilogue qui s'écrit la nuit, parce qu'il m'arrive assez souvent de ne pas dormir. il ne s'agit pas de ne pas arriver à dormir : je n'essaye pas. on ne fait rien de mieux que ce qu'on fait négligemment. je n'essaye pas de dormir avec un talent rare. je fume trop. la nuit sent la cigarette, le tabac froid, elle a les dents qui jaunissent, puis l'aube vient. je ne suis plus assez talentueux pourtant pour tenir jusqu'à l'aube : j'ai un travail, des obligations, toutes les obligations s'appellent les unes les autres, ont leur logique, dont la densité augmente, et enflant, recouvre de l'intérieur les autres combinaisons possibles, combinaisons de loisir ou d'ennui ou de lectures ou de plaisirs. si bien que tout est déterminé par elles comme le thème de la phrase par le squelette qu'on lui imagine. lorsque je n'ai rien à faire, je m'ennuie, c'est une tâche de vin sur la nappe de ma journée, qui part au lavage de l'attente. le temps que je perds ne se récupérera pas : il est foutu.