Mégalomanie (à lire dans la continuité des extraits précédents)
Du jour ou tu m’as signifié la rupture, je suis devenu (ou redevenu ?), une vache mentale broutée par les souvenirs. Engluée dans les causes, comme dans ces cauchemars où l’on est poursuivi par des monstres véloces, tandis qu'une adrénaline onirique se dilapide en gesticulations statiques.
Tu es partie. J’ai voulu me quitter. Introduire en moi toute la distance de l’oubli. Il fallait boire beaucoup. Noyer à grandes lampées les démons hypermnésiques. L’alcool, sauveur et assassin, cheminait dans mes veines et débusquait l’ennemi. Brûlures contre brûlures. Les démons luttaient, puis se repliaient. Ils se réfugiaient dans les marges de la conscience, installaient leur campement provisoire et planifiaient la contre attaque. Je percevais encore leurs palabres lointaines. Une ruche mourante, bientôt aphone.
Les pensées s’accordaient de nouveau au corps qui s’allégeait. La douleur se diluait jusqu’à rencontrer son spectre. Il la prenait par la main et tout deux s’éloignaient en emportant leurs traces vaporeuses. La drogue stupéfiait l’absence et, à son acmé, stimulait un optimisme artificiel. L’esprit s’en emparait avec l’avidité gloutonne qui signe une insupportable privation. Nul autre que mon âme désaltérée n’aurait souscrit au sourire qui se posait alors sur mes perceptions. Mais, dans ce nouvel univers, la caution d’autrui n’était plus requise. J’étais devenu le point de référence unique. Une île disparue des cartes maritimes. L’alpha et l’omega d’un alphabet autosuffisant.
La mue accomplie, j’abandonnais mon ancien « moi » avec les limitations qui signaient son caractère, sa propension à aimanter un certain type d’événement et à traîner la poisse d’un spleen sirupeux. Jusque là, je n’avais pu que tourner tel un hamster condamné à sa roue célibataire. Désormais, j’entamais un mouvement spiralé, sensiblement ascensionnel. Cet autre était encore « je », mais « augmenté », porté au comble de lui-même. Du potentiel réalisé, sans reste. Un pur accomplissement.
Sans pouvoir cerner ce self, je sentais qu’il rejoignait le tempo d’une modernité qui va si bien de l’avant qu’elle n’a plus à se soucier de ses arrières, et encore moins de l’avenir. Cet allant déclenchait des flash à toute allure sur la trajectoire de fantasmes débridés. Mon nouvel état n’en avait cure, car aucune bureaucratie n’était en mesure de verbaliser son inconduite. J’avais activé le ressort d’une mégalomanie latente qui balayait toute prudence cosmétique. (...)
Tu es partie. J’ai voulu me quitter. Introduire en moi toute la distance de l’oubli. Il fallait boire beaucoup. Noyer à grandes lampées les démons hypermnésiques. L’alcool, sauveur et assassin, cheminait dans mes veines et débusquait l’ennemi. Brûlures contre brûlures. Les démons luttaient, puis se repliaient. Ils se réfugiaient dans les marges de la conscience, installaient leur campement provisoire et planifiaient la contre attaque. Je percevais encore leurs palabres lointaines. Une ruche mourante, bientôt aphone.
Les pensées s’accordaient de nouveau au corps qui s’allégeait. La douleur se diluait jusqu’à rencontrer son spectre. Il la prenait par la main et tout deux s’éloignaient en emportant leurs traces vaporeuses. La drogue stupéfiait l’absence et, à son acmé, stimulait un optimisme artificiel. L’esprit s’en emparait avec l’avidité gloutonne qui signe une insupportable privation. Nul autre que mon âme désaltérée n’aurait souscrit au sourire qui se posait alors sur mes perceptions. Mais, dans ce nouvel univers, la caution d’autrui n’était plus requise. J’étais devenu le point de référence unique. Une île disparue des cartes maritimes. L’alpha et l’omega d’un alphabet autosuffisant.
La mue accomplie, j’abandonnais mon ancien « moi » avec les limitations qui signaient son caractère, sa propension à aimanter un certain type d’événement et à traîner la poisse d’un spleen sirupeux. Jusque là, je n’avais pu que tourner tel un hamster condamné à sa roue célibataire. Désormais, j’entamais un mouvement spiralé, sensiblement ascensionnel. Cet autre était encore « je », mais « augmenté », porté au comble de lui-même. Du potentiel réalisé, sans reste. Un pur accomplissement.
Sans pouvoir cerner ce self, je sentais qu’il rejoignait le tempo d’une modernité qui va si bien de l’avant qu’elle n’a plus à se soucier de ses arrières, et encore moins de l’avenir. Cet allant déclenchait des flash à toute allure sur la trajectoire de fantasmes débridés. Mon nouvel état n’en avait cure, car aucune bureaucratie n’était en mesure de verbaliser son inconduite. J’avais activé le ressort d’une mégalomanie latente qui balayait toute prudence cosmétique. (...)