Incipits

par loulou + julius-c, mercredi 23 août 2017, 23:46 (il y a 2649 jours)

Jin et Jon sont dans un bateau. Jin tombe à l’eau. Qui reste-t-il? LE LANGAGE bien sûr, car Jin et Jon sont des êtres de papier.
Concomitamment, Denis Hamel fait ses courses chez leaderprice. Monoprix correspondrait mieux à son goût aristocratique mais être poète ne paye pas.


Cette nuit j’ai encore rêvé de ses jolis pieds. Ils volaient dans le ciel avec leurs ailes d’ange. Ils glissaient sur les cieux comme un ruban de soie. Ils se sont posés au sommet d’un Mont, le Mont Ararat peut-être, c’est à dire, celui où l’Arche de Noé, au sortir du déluge, s’échoua. A mon réveil, je bandais furieusement.

Rien ne m’est plus cher que les idées qui ne trouvent pas leur formulation. J’aime ceux qui bégaient, les trébuchements. Cela a ses inconvénients, bien sûr. Je n’ai jamais su faire « quelque chose » de mes 25 ans, quelque chose c’est à dire, quelque chose de fini, plié. Quelques poèmes tout au plus, laissés en suspens. Les filles s’en rendent compte assez vite : je jouis avant même de me mettre tout nu.


Aujourd’hui est un grand jour: j’ai enfin rendez-vous avec Odile. Sacré Odile. Elle m’en fait voir de toutes les couleurs, la garce. La chipie. Héhéhéhé. Je vais lui en montrer, moi, à Odile. Je vais lui faire voir de quel bois je me chauffe. Je vais lui montrer, ce que c’est, un homme ! Oui ? Maman ? Oui j’arrive tout de suite, ne me gronde pas !

Lorsque je me suis retournée, il était parti. Un éclair zébra le ciel de mon désespoir. Je suis allée dans la cuisine, la porte a claqué derrière lui : comme d’habitude, il n’avait pas fait la vaisselle. Je commence à penser que nous nous disputons précisément pour cette raison.
Cher journal, aujourd’hui je prends une grande décision, je le quitte. Il n’est plus question d’amour, désormais. Je veux un homme, un vrai, qui fasse du sport et la cuisine. Ce soir, ce soir est un grand soir. La vie commence.

Alfonso s’étendit sur l’herbe, près de Juliette et Maria. Les autres étaient restés près de l’étang. Je vais pouvoir me les faire, pensa Alfonso. Les regards langoureux que lui lançaient Juliette et Marie depuis le début de la matinée ne lui avaient pas échappé. Il avait un oeil de chasseur, Alfonso. Il n’est pas homme à qui ces détails échappent! Des regards si brûlants qu’ils devraient être interdits par temps de canicule ! Des regards à vous foutre le feu jusqu’à Borme-les-Mimosas ! Alfonso se coiffa, c’est à dire se décoiffa, car il savait que ses mèches négligemment entremêlées plaisaient aux filles. Il savait jouer de son air canaille. Il s’avança. Mais Juliette et Maria reculèrent. Il s’avança. Il sentit une chaleur au niveau de son pubis. Il avait trop chaud. Il sortit son pubis. Son pénis, rouge et gonflé, se mit à tournoyer sur lui-même. Alfonso s’envola malgré lui jusqu’au Nevada en faisant l’hélicoptère avec sa bite.

Incipits

par loulou + julius-c, jeudi 24 août 2017, 00:14 (il y a 2649 jours) @ loulou + julius-c

Tout commença avec une faute de grammaire. Alors qu’elle me regardait parler de mes réussites d’un air ennuyé, je dis à au lieu de de ou de au lieu de à et, miracle!, elle se mis à rire. Sa mâchoire se décrocha, et au lieu de s’accorder, comme il se doit, aux jugulaires, elle s’accorda en genre et en nombre avec sa clavicule (où elle avait glissé). C’était à n’y plus rien comprendre! Je m’enfuyat.

Christine marchait au Luxembourg l’air fat et satisfait : on aurait dit Denis Hamel devant ses poêzies. Mais tout passe ainsi que les plus belles opinions qu’on peut avoir sur soi même - opinions soigneusement sélectionnées pour leur jus comme on fait des fruits. Christine soupira, lasse. Elle ressemblait décidément de plus en plus à Denis Hamel. Puis, c’en fut fait : elle marcha, et même pas du pied qui convient, dans une grosse crotte dissimulée sous les feuilles d’automne. Ce me fait penser à ce qu’on ressent quand on voit un commentaire de Denis Hamel en dessous de son texte, pensa-t-elle.

Incipits

par François, jeudi 24 août 2017, 01:10 (il y a 2649 jours) @ loulou + julius-c

Mais qui est donc le fameux Louis
Dont tout le monde parle
À raison
Sur la place de Paris

Incipits 3

par O, lundi 28 août 2017, 00:00 (il y a 2645 jours) @ loulou + julius-c

La réputation d'Alfonso Cuaron n'était plus à faire. On narrait sa geste des deux côtés du Mississippi. Ces récits étaient parvenus à l'oreille des bonnes gens des villes les plus reculées de l'Arizona ou du Texas. On connaissait son existence jusqu'au Montana forestier. Les mères, en Louisiane, se servaient du nom d'Alfonso Cuaron comme d'un menaçant hochet qu'elles agitaient sous le nez de leurs enfants pour les alarmer de ce qui leur arriverait s'ils n'obtempéraient pas. On usait de périphrases ou de synecdoques pour désigner Alfonso Cuaron dans le Kentucky, n'osant prononcer son patronyme complet, de peur qu'il ne porte malheur. On se signait systématiquement, à son évocation, dans l'Illinois, et peut-être les bonnes gens que l'on voyait se signer spontanément le faisaient d'avoir convoqué, dans le silence glacial de leurs pensées, sa personne. On doutait de son existence, comme on doute de l'existence du diable, dans le Michigan. En Ohio, on baptisait les prisons à son nom, dans l'espoir de l'y enfermer un jour. Un jour, Alfonso Cuaron arriva dans une ville où il n'était encore jamais allé, mais sa réputation l'y avait précédé. C'était une ville d'Alabama. Comme toute ville digne de ce nom, son organisation était concentrique et centripète, structurée autour de son saloon. Alfonso Cuaron, entrant dans la ville, ne fut pas long à entrer dans le saloon. Entré dans le saloon, il y jaugea les hommes, les hommes présents, semblant à la fois les fusiller de ses yeux perçants, et à la fois nettoyer avec un mouchoir de soie la crosse de ce fusil, car ce regard n'était pas sans une étrange douceur. Mais sa réputation n'était plus à faire. Lentement, Alfonso Cuaron s'avança vers le comptoir et commanda un sandwich au poulet qu'il obtint promptement. Il mangea le sandwich en silence, mastiquant consciencieusement chaque bouchée, imperturbable, lorsque toute la salle demeurait suspendue à ses gestes, comme un enfant apeuré guette le ciel orageux pour prévenir sa surprise du coup de tonnerre à venir. Alfonso Cuaron commanda une bière qu'il but d'une goulée. Puis, lentement, il se retourna. L'air satisfait. Lentement (toujours), mais fermement, il porta la main à son ceinturon. Il porta sa main au niveau de son porte-révolver. Sa main était maintenant au niveau de la crosse de son révolver. Sa main frôla son révolver et peut-être, imperceptiblement, ne faisait-elle plus qu'un avec ce chien de métal dont elle caressait la queue. Mais sa main continua à descendre, continua à descendre sous le révolver, et s'en fut jusqu'à la poche du jean usé, du jean d'Alfonso Cuaron, situé sur les jambes et le bassin d'Alfonso Cuaron, d'où elle, c'est à dire la main d'Alfonso Cuaron, sortit un billet de 5 dollars. Alfonso Cuaron posa le billet de 5 dollars sur le zinc du comptoir et s'en fut.
- Eh bien, dit un habitué du saloon ; la réputation d'Alfonso Cuaron n'est plus à faire.

Incipits 3

par dh, lundi 28 août 2017, 08:04 (il y a 2645 jours) @ O