histoire naïve

par the passenger, mercredi 20 septembre 2017, 05:55 (il y a 2622 jours)

Historiette sans parole


Une dame, longue dame aux yeux trop grands chantonnait seule sur la berge.
Nous posâmes le pied dans ce chant. Il venait de pleuvoir, tu souriais je souriais, posâmes un pied, puis l'autre sur le sable mouillé – mais jamais froid – de la berge.

Il y avait une tristesse (!) dans ses grands yeux espiègles, et une gaieté de pluie
fébrile.
De la tristesse dans nos visages aussi, la même gaieté
fébrile.

La dame, longue dame aux yeux trop vifs, assise sur le sable cessa de chantonner, seule. L'épée de sa voix plantée dans un ciel noir, seul.

à l'oreille à voix basse tu me dis, conditionnel passé, j'aurais aimé la serrer contre moi.

je ne sais, peut-être moi aussi au fond oui bien qu'elle évoque personne, je pense. Juste une longue dame avec des grands yeux, des doigts osseux, longs doigts osseux. C'est sublime. Personne.
Le deuil, peut-être,
une sainte.

Nous finîmes par passer devant elle – vent, bruit du soir – eaux lentes,
passâmes, caresse étrange comme bien des choses passent, et d'abord

d'abord

bien des choses...

nous ne saisissions pas l'esperanto qu'elle psalmodiait mais son sourire, son tout léger sourire mouillé, son deuil, ses paupières demi closes disaient de grandes absences endormies,
ombres qui vivent à l'intérieur du corps
ombres qui attendent
pendant que ça pleut
ombres qui tapotent
– vanité – du coeur.

Pourtant, à peine altérés nous poursuivons – tu as ton châle sur les épaules, il sent bon, j'ai le parapluie – nous vaquons, nous oublions. Un soupir, infime soupir parfois suffit. Tu souriais je souriais j'égoutte le parapluie c'est tout.

Ça...

moi tu sais cette dame j'aurais aimé quelqu'un pour la prendre dans les bras, moi-même pas manquer du courage y aller franc

ses yeux espiègles et tristes...

J'égoutte le parapluie, ta main une piécette, sa voix merci, touchant esperanto, caresse étrange passâmes près de son deuil pas loin du nôtre, infime soupir, une piécette... elle, digne, elle sainte, elle immuable, elle digne oui, infiniment plus que nous, plus que nous qui passâmes, sommes passés – passés obstinément, imperceptiblement, nous tout petits, petits êtres sous sa voix... passés...

il venait de pleuvoir.

Une piécette.

histoire naïve

par Claire, jeudi 21 septembre 2017, 09:58 (il y a 2621 jours) @ the passenger

C'est un texte que j'ai trouvé évocateur et beau. J'ai pensé à Barbara, j'ai pensé à une histoire vraie - il y a des mendiants qu'on n'oublie pas.
J'ai apprécié le travail sur le style, la recherche.

Après...la recherche sur le style, c'est toujours au risque de certaines préciosités inutiles et j'en ai trouvé ici quelques unes. Des retours à la ligne en particulier.
Et puis l'usage de trop de "sublime", les passés simples. Je dis cela parce que j'ai eu un long moment de doute dans l'écriture autour des effets de style, mais je sais bien que cela ne sert qu'à soi, ces questions. Elles viennent au bon moment, et de sa propre sensibilté.
Le narrateur est masculin mais j'ai l'idée que l'auteur est féminin...une impression.