Phrases du long hiver (suite 4 et fin)
Le calme revenu.
Les chauves-souris libèrent les aisselles de la femme.
Dans une molle certitude, un rapprochement sans réconciliation, l’usure des besoins, le démembrement comme un deuil de soi, une euphorie pauvre, les corps à bout d’épreuve se défont, écartelés sur le tapis, quand à cette minute, grêle fondue, vent faiblissant, cris sauvages étouffés, par l’œil de la toiture la nuit s’invite devant les nudités ébahies, ébouriffées.
On aperçoit la nuit, elle dit, par les trous du toit, c’est la nuit maintenant qui tombe, c’est la nuit passant par le toit troué, Capella, Véga, Altaïr, toutes elles clignotent, jettent leurs rayons intolérables, c’ est beau et affreux, voyeuse est la nuit étoilée, la tempête a décoiffé la maison, alors mes hommes debout ! Que vos outils réparent, que vos engins s’érigent pour colmater, que vos mains soient intelligentes, habiles, que vos talons s’accrochent au vide, que votre dégoûtante paresse serve à me sauver !
L’ homme de labour pourrait monter sur le toit, implanter ses sabots boueux dans le sillon des tuiles, avec ses jarrets solides soulever les poutres brisées, par son encolure tracter des masses de matières pour boucher, solidifier les chenaux, gouttières, et par son aplomb d’homme de force retailler le vasistas, asseoir le chien-assis, décrasser l’œil-de-bœuf et surtout la girouette affolée la remettre d’aplomb.
Elle se refuse à vérifier le jardin que le mécontentement du ciel a mitraillé.
Un homme de labour sur un toit ! hurle l’autre homme de la femme. Qu’il retourne à ses terres, charrie son fumier et enfonce son soc dans d’autres sillon que celui du toit de ma femme ! Moi je te boucherai les trous, moi, du faîte je te ferai un sommet, couronné d’un zinc de la meilleure extraction et sous les combles tu lorgneras la lune par le vasistas réparé !
Ô hellébores injustement meurtries, primevères, pensées, cyclamens, sous la rafale des boulets de glace. Dans les massifs broyés, leurs clitoris de couleurs dépiautés, à tous vents, radicelles coupées, tous les semis foutus par une pluie méchante.
Chemise de tergale déchirée, froc, veston en laine maculé, cravate solennelle, chaussures pompeusement crottées, linge de corps épars, le paysan renfrogné renfile ce qui doit ramener sa rusticité à un semblant d’honneur et de la maison trouée il s’en va, une dernière fois tendant le col, agitant sa crinière, esquissant un hennissement de désapprobation, sous le ciel noir dont la clarté enracine chaque homme dans sa vraie demeure.
On leur avait enlevé le chapeau, on se délecte à les découvrir décapités, une solitude désemparée comme celle des poupées désarticulées sur des sofas de brocart, ils ruminent un silence dont on comprendrait le désœuvrement, écrasés et vaincus par leurs actes, une confusion profonde bouillonne fustigeant leur âme, leurs doigts livides pianotent des énigmes et retombent, c’est probablement un mauvais regard qu’il réserve à sa femme dont toute parole au début avait manquée pour décrire cet autre, celui que son ventre appelait et qu’au terme de sa plainte elle est parvenue à faire venir dans le froid sec d’un hiver mélancolique.
La ducasse de février éteint ses lampions, mais point suffisamment pour voiler la mort qui dans une ornière traîne ses vivants, on y a retrouvé le flanc d’un homme, un filet de vin coulant d’une entaille fraîche assassine, pour ces gens dont le vin ne diffère pas du sang, la douleur est un opéra muet.
Et personne pour aller déposer des fleurs, regrette la femme.
C’est un soir de neige sur les toits des maisons, où les cristaux donnent à la vie une configuration nouvelle.
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