Pensée

par Vagabond vagabondant, mardi 07 novembre 2017, 18:37 (il y a 2574 jours) @ Claire

Merci Claire d'être passée.

Honnêtement, je n'ai pas cherché la poésie, au sens où je n'ai pas cherché ostentatoirement la sublimation. J'ai même cherché tout l'inverse et tu remarqueras à quel point j'ai asséché tout ce qui, d'habitude, déborde de ce que j'écris. Je voulais atteindre un degré zéro de l'écriture. Mais peut-être ai-je, effectivement, franchi le seuil où la simplicité devient banalité.

En vérité, je comptais, peut-être imbécilement, dans chacun de ces textes sur la chute. Je croyais que ces chutes permettaient de sauver, par contraste, l'apparent manque d'intérêt poétique de ce qui les précède à chaque fois. Je suis fort conscient, par exemple, que la première prose peut agacer l'oeil de celui qui cherche fulgurances. Mais je voulais insister surtout sur le ton de confidence. Tisser une intimité et celle-ci passait, à ce moment, par nommer franchement des désirs banals. Avant que ceux-ci ne virent à l'apparition d'épisodes traumatiques un peu moins banals. Et que l'écriture ne cède à la contemplation hagarde du visage dans le miroir et à l'absurdité du lieu de contemplation (la cuisine).

Je suis déçu que la progression du texte n'ait pas été ressentie comme je voulais. J'ai voulu l'aveu dernier de ce texte "Brassens et Trenet m'ont toujours rendu heureux" comme une banalité coup-de-tonnerre. L'aveu d'échec cinglant de celui qui, à la base, cherchait simplement à écrire quelque chose de joli, qui finalement se noie dans sa propre merde intérieure, et ne se sauve que par ce qui n'est pas "écrire" ("Brassens et Trenet" ne sont en définitive qu'un mensonge, une sorte d'euphémisme immense ils ne rendent pas heureux, ils consolent).

Le deuxième texte est absurde de part en part puisqu'il part du même lieu (le même miroir accroché dans la cuisine) et qu'il clôt l'épisode d'une angoisse (celle du corps reflété qui ne veut plus rien dire, qui ne veut plus rien signifier qu'une absence d'être, qu'une impossibilité momentanée de se reconnaître en substance), qu'il clôt l'épisode d'une angoisse (une expérience limite) en gros par un épisode mondain banal, les convives qui attendent qu'on les serve juste à côté.

je suis surpris et déçu que cette banalité ait été perçue comme un échec alors qu'il était pour moi important de l'exprimer comme telle – et non seulement comme telle, mais comme le plus grand scandale qui puisse être pour celui qui les écrit. C'était le non-dit qui devait donner à ces textes leur force.

C'est ce que les chutes, à chaque fois, voulaient produire : le banal planté comme un coup de couteau dans le ventre. L'espèce de foudre qui, à la fois fait s'effondrer les choses en elles-mêmes et, à la fois, les maintient paisiblement, "normalement" dans leur être.

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